"Il faut que la peinture serve à autre chose qu'à la peinture", Henri Matisse.
Alain Zenthner
19 août 2024


À propos d'architecture

Il est étonnant de constater que le premier des arts majeurs dans la classification de Hegel n’est pas abordé à l’école à moins d’avoir choisi une option ou une école spécifique. L’architecture, partout présente, est finalement l’art le moins expliqué et apprécié, or nous évoluons tous dans des architectures le plus souvent sans en prendre conscience sauf si elles sont très originales ou contraignantes.

L’enseignement général accorde trop peu de place aux disciplines artistiques. Quand on trouve des cours de dessin et de peinture, on remarque qu’ils se prolongent rarement tout au long du cursus scolaire. Les cours d’histoire de l’art, s’ils existent, bâclent souvent l’histoire de l’architecture au profit de la peinture et de la sculpture. Quant à un cours d’analyse de l’architecture et de l’urbanisme, milieu dans lequel on vit et circule en permanence, on ne le rencontrera que si on s’oriente dans une formation à cette disciple, alors qu’il devrait être considéré au moins avec autant d’intérêt que l’analyse de texte littéraire, par exemple.

On remarque que les facultés et instituts d’architecture négligent dans leur formation le côté artistique, créatif, poétique, sensuel de l’architecture pour privilégier l’apprentissage des techniques de construction alors qu’elles ne sont qu’un outil, un moyen de concrétiser des idées d’organisation spatiales, de formes, de textures et de matériaux. Or un bon technicien ne suffit pas à faire un bon architecte. La tendance est d’ailleurs aujourd’hui à confier la technique de construction à des collaborateurs, ingénieurs en science des matériaux, en isolation, en électromécanique, en robotique, etc. les connaissances techniques pointues devenant dès lors non-indispensables pour l’architecte.

L’architecte est donc avant tout un créateur et un coordinateur qui doit assurer la bonne réalisation de ses conceptions ce qui demande une maîtrise des relations publiques et des techniques de discussion, elles aussi sous-estimées dans la formation.

Le rôle des écoles d’architecture est donc de stimuler une création contenue dans les limites des possibilités techniques et du budget alloué dans la meilleure entente et harmonie entre toutes les parties prenantes du projet.

La définition idéale de l’architecture serait : l’art de concevoir des édifices et d’agencer leurs espaces selon les règles de la construction pour remplir au mieux une fonction donnée tout en apportant un supplément d’âme à son environnement – une part de transcendance selon la phénoménologie de Hegel. La réalisation devra provoquer une émotion quelle qu’elle soit, ne pas laisser indifférent, le but n’étant pas de s’intégrer au contexte naturel ou urbain au point de passer inaperçu, sans quoi l’architecture ne pourrait plus se définir comme un art.

Le Corbusier avait éprouvé cette nécessité de transcendance en l’exprimant de manière ambiguë avec le troisième adjectif employé dans sa définition : « Le jeu savant, correct et magnifique des volumes assemblés sous la lumière » (Vers une architecture, 1923).

Certains édifices par leur fonction historique, symbolique, cultuelle, ressortent d’une architecture égotiste qui ne répond plus exactement à la définition de l’architecture, car ils cherchent à susciter un intérêt exclusif en se distinguant de leur environnement tout en exploitant leur situation dans celui-ci : les lieux de culte et tous les monuments de manière générale (Arc de triomphe, Tour Eiffel, Atomium, etc.)

La rupture d’échelle par rapport à la taille humaine rend de fait fascinant les gratte-ciels qui ont l’avantage de pouvoir loger des milliers de personnes et d’installer quantité de bureaux sur très peu de surface au sol. La verticalité dans sa symbolique inspire inconsciemment une ascension spirituelle, une aspiration de l’âme vers le ciel qui renforce le pouvoir expressif.

Les gratte-ciels, même s’ils répondent à des nécessités pratiques, révèlent par leur course à la hauteur – la tour la plus haute du monde, le Burj Khalifa à Dubaï atteint les 828 m – la mégalomanie de personnes, de holdings, de nations voulant faire démonstration de leur puissance économique.

Les premiers gratte-ciels ont été construits dès 1875 à Chicago (suite à l’incendie de la ville en 1871) par Daniel Burnham (concepteur du Flatiron Building à New York) et Louis H. Sullivan qui s’inspirèrent de l’art européen et ses styles renaissance, gothique, roman, antique. Leurs constructions abandonnent les murs porteurs pour se reposer sur une structure en acier privilégiant la fonctionnalité au détriment du décor suivant les principes de Viollet-le-Duc (Entretiens sur l’architecture, 1863).

En Europe, le Bauhaus, l’école d’art allemande fondée en 1919 à Weimar par Walter Gropius, adopte elle aussi un style fonctionnel, minimaliste, exploitant le verre, l’acier et le béton armé qui convenait parfaitement à l’essor rapide de l’industrie et au besoin exponentiel de logements et de bureaux d’entreprises au sortir de la Première guerre. Le Corbusier en France s’en inspire et résume avec Pierre Jeanneret (son cousin) en cinq points l’architecture moderne (Les cinq points de l’architecture moderne, 1927) : les pilotis, le toit-terrasse, le plan libre, la fenêtre en bandeau, la façade libre.

Aux États-Unis, les architectes européens du Bauhaus, surtout Walter Gropius et Mies van der Rohe (architecte allemand né à Aix–la–Chapelle et auteur du Seagram building à New York notamment), fuyant le nazisme en 1937, créent le style International (dit aussi moderniste) qui prône une architecture sobre et dépouillée. Un style qui se répand à un point tel (particulièrement à New York et Chicago) qu’il finit par créer des ambiances austères et ennuyeuses (lire à ce sujet Il court, il court le Bauhaus, Tom Wolfe, 1981) ce qui favorisera l’émergence progressive du postmodernisme qui recourt à des compositions ou motifs décoratifs ironiques empruntés au passé.

Un style apparaît souvent en réaction à un autre qui prend trop de place…
Chicago, fait sans doute figure de capitale mondiale de l’architecture. L’échelonnement des dates de constructions de ses tours, leur variété esthétique, les dégagements visuels qu’on peut en avoir (sa skyline, notamment grâce à la rivière qui la traverse), la diversité de ses bâtiments et aménagements urbains (musées, bibliothèques, parcs, etc.), lui donne plus d’intérêt que New York.

F.L. Wright, choisit une voie particulière en adoptant une philosophie organique qu’il applique surtout aux maisons individuelles dont on trouve plus d’une vingtaine d’exemplaires dans la banlieue de Chicago (à Oak Park) dont son atelier. Bien d’autres architectes ou agences d’architecture contribuent à la richesse architecturale de la ville F. Gehry, Renzo Piano, etc.

L’architecture organique est une philosophie ayant pour principe de s’inspirer des formes de la nature – géologiques, végétales, animales – pour mettre les réalisations en harmonie, en association avec elle, ce qui ne veut pas dire chercher à les confondre, les camoufler, mais plutôt à embellir, à poétiser l’environnement.

Un de ses travers est de vouloir trop simuler la nature en empruntant à l’art de la sculpture. Les intérieurs à vivre deviennent dès lors décevants, froids, austères, inadaptés à l’ameublement. Ces réalisations restent des curiosités… mais qui ne peuvent être qualifiée d’architecture car le concepteur soumet la fonction à l’expression de sa sensibilité personnelle, cherchant à faire œuvre d’art…

Mais « l’esprit » organique aura produit quelques chefs d’œuvre : La maison sur la cascade (Fallingwater House) de Frank Lord Wright, La chapelle de Ronchamp du Corbusier (même si celle–ci n’est pas cataloguée organique), la Sagrada Familia de Gaudi, les œuvres de Calatrava, de Franck Gehry, de Hunderwasser, de Horta (et de l’art nouveau), de César Manrique (aux îles Canaries), de Labro et Orzoni (architectes de la station de sport d’hiver d’Avoriaz).

Le but de l’architecture doit être de rendre la vie de ses usagers meilleure, elle doit agir sur nos pensées, nos sentiments, nos comportements, notre façon de vivre, notre confort. En fonction de sa destination elle doit favoriser la créativité, l’attention, la relaxation, la convivialité, la cohésion sociale.

Il n’est pas besoin d’étude scientifique pour être convaincu que l’architecture a un impact psycho-sociologique et influe à terme sur le développement de la personnalité (des jeunes notamment). Le tempérament d’un enfant vivant dans des espaces agencés à sa mesure avec vue sur la campagne s’affirmera de manière plus positive et optimiste que celui qui vivra dans des pièces étriquées avec des fenêtres ne s’ouvrant que sur des murs.

Il ne faut pas perdre de vue que l’architecte n’est en définitive qu’un passeur, il dépend d’un donneur d’ordre, d’un payeur tout puissant avec lequel il doit composer pour donner satisfaction, tout en s’efforçant d’insuffler une âme à ce qu’il réalise.

L’architecture, en liberté apparente, s’impose à nous dans la puissance de sa présence, mais elle n’est jamais que la transfiguration des motivations de maîtres d’ouvrage. À partir du 19ème siècle, les architectes se sont toujours trouvés plus dépendants des commanditaires que les artistes peintres par exemple. Des villes entières sont le reflet d’une volonté politique. Paris est précis, géométrique, homogène, haussmanien par la volonté d’un monarque (l’empereur Napoléon III) ; Londres se caractérise par une absence de structure, une forme de chaos architectural résultant d’une liberté économique, du capitalisme ; New York et son quartier de Manhattan est l’expression du néolibéralisme, de la volonté de puissance (de Nietzsche), chaque gratte–ciel est le reflet d’un individualisme exacerbé, d’une affirmation de soi néanmoins intégrée dans un plan d’ensemble d’affirmation générale ; les villes des pays de l’Est avec ses ensembles d’immeubles identiques, de maisons mitoyennes semblables en lotissement sont le reflet d’une recherche de socialisation, de communautarisation par un pouvoir politique...

L’architecte américano–canadien Frank Gehry considère que la démocratie et le système économique crée le chaos, que chacun – chaque voisin – peut faire ce qu’il veut et que cela provoque des collisions de pensées. Selon lui, la meilleure des choses pour assurer la qualité de l’architecture serait de vivre dans les conditions d’une dictature bienveillante qui a du goût ! Il insiste sur la nécessité de faire appel à des urbanistes ou contributeurs de consensus comme Robert Moses, qui à façonner Manhattan, pour donner une cohérence générale aux villes.

Il faut imaginer l’avenir de l’architecture plus en verticalité qu’en horizontalité vu que l’espace disponible n’ira qu’en s’amenuisant – tenant compte des espaces qu’il faudra préserver pour notre survie (surfaces agricoles et forêts). On la verra dès lors beaucoup plus interpénétrée par la nature avec des murs végétaux, des jardins suspendus, des terrasses arborées comme à Singapour (notamment avec le Marina Bay Sands et son SkyPark) et à Milan avec les deux tours Bosco Verticale de l’architecte Stefano Boeri garnies de 20.000 plantes soit l’équivalent d’un hectare de forêt. Cette forêt recomposée en intrication avec l’habitat non seulement purifie l’air en absorbant le CO2 et en retenant les particules fines – s’opposant ainsi au réchauffement climatique – mais fait revenir des oiseaux nidifier en ville (tels des faucons et des martinets).

L’architecture horizontale obligée de se restreindre, de se compacter devra être inventive, diversifiée à souhait pour particulariser l’habitat mitoyen de chacun en conjugaison avec la nature, assurer l’isolation énergétique mais surtout acoustique (un problème encore souvent mal géré) nécessaire à un chez soi apaisant.

(Extrait de mon Abécédaire auxiliaire)


6 juin 2024


À propos d'argent

On peut cerner l’importance de l’argent en exposant les conséquences de son manque. Son défaut cristallise un mode de vie pauvre d’un point de vue matériel et spirituel, attire des préoccupations constantes qui se transmettent à l’entourage, à la famille, aux enfants, engendrant frustrations, embarras, ségrégations, complexes d’infériorité…

Dès lors, objet de toutes les attentions, l’argent devient une fin en soi, omnipotent, il perd sa qualité de simple outil à se réaliser et à profiter de la vie. Les privations et les désirs inassouvis s’incrustent dans la personnalité, deviennent la norme. Il est alors difficile de s’en défaire même quand il vient en abondance : on tend à garder le même niveau de vie, la même parcimonie. On garde des réflexes de pauvres…

La peur du manque et le souci d’assurer l’avenir demeurent même à un âge avancé, ce qui explique le nombre impressionnant de personnes qui décèdent en laissant des fortunes sur leurs comptes en banque.

On peut rapporter le comportement de personnes ayant connu l’indigence à celui de l’oiseau qui vit en cage et qui y reste même si on lui ouvre la porte. Il ne peut plus profiter de sa liberté.

Une réflexion sur ses avoirs réels et sur sa façon de vivre est donc nécessaire au quotidien si on ne veut pas autolimiter son champ d’action, son épanouissement et son bonheur. Si ce travail sur soi permanent ne se fait pas, on sombre dans l’avarice, un défaut capital des moins appréciés dont on peut être affecté même sans avoir jamais été sans–le–sou. Les radins sont généralement des gens qu’on n’a pas envie de fréquenter…

« L’argent ne fait pas le bonheur ! » est sans doute le proverbe qu’on peut le plus entendre mais il est pourtant discutable, car il laisse supposer qu’en aucun cas il ne fait le bonheur. Or il serait plus juste d’affirmer que l’argent ne fait pas toujours le bonheur… Cette assertion doit sans doute son succès à la consolation qu’il procure aux pauvres et à la bonne conscience qu’il donne aux riches.

Dans une société de consommation, un minimum d’argent est indispensable, gage de sécurité pour assurer ses besoins fondamentaux (se loger, se nourrir, s’habiller), support d’épanouissement, de réalisation de soi, il permet de se former (de faire des études…), de se cultiver, de développer ses intérêts, de faire des projets (acheter une maison, créer une entreprise, avoir des loisirs), garder sa liberté, gagner son indépendance (ne pas dépendre de son partenaire), se ménager du temps, profiter de petits plaisirs, avoir une vie sociale…

En revanche, l’argent en abondance n’assure pas d’être heureux, puisque le bonheur peut dépendre de facteurs psychiques innés (une tendance au mal-être, au déséquilibre émotionnel et sentimental), de l’éducation, de règles morales, des objectifs et du sens donnés à sa vie.

Le système néolibéral promeut l’argent avant la vie – la destruction des ressources naturelles pour faire du profit au mépris de la vie – et privilégie les intérêts aux valeurs morales. Il s’affirme et colonise la planète ce qui n’est pas de bon présage.

L’argent asservit les hommes puisque c’est pour lui qu’ils travaillent le plus souvent sans passion, il les dirige et les oppresse à tous niveaux, personnel, familial, collégial, national, international même quand il est là en quantité. Aucun domaine ne lui échappe même pas l’amour et la poésie car ils ne peuvent que difficilement exister quand la vie se limite à essayer de survivre sans lui.

Les premières pièces de monnaie seraient apparues vers 640 avant J.-C. en Lydie (actuelle Turquie) comme unité de compte permettant d’attribuer une valeur à un objet. Contrairement au troc, l’échange en vigueur précédemment, il permet une relation normée précise entre valeurs d’objets de convoitise et travail pour les obtenir, l’intensité de la convoitise conditionnant la valeur (la demande par rapport à l’offre). Concentré de désir et de pouvoir, il s’est imposé comme moteur de l’action.

L'argent n'a que la valeur que les humains lui donnent. Il n'est qu'un objet de mesure, d'échange et de stockage de la valeur. Ce n’est donc pas l’argent en lui-même qui est blâmable mais son utilisation. Instrument créé pour organiser la vie en société, il n’en est pas, pour l’heure, de meilleur pour harmoniser les échanges et éviter l’anarchie. Le principe s’étant imposé partout de très longue date et non remis en cause, il incombe à l’individu de se démener, de jeter toutes ses forces dans l’obtention de ce qu’il en faut de nécessaire pour mener une vie décente tout en veillant à ne pas se laisser ronger par sa quête.

(Extrait de mon Abécédaire auxiliaire)


12 février 2024


À propos d'astronomie

La passion de l’astronomie peut naître dans l’enfance en se trouvant confronté lors de belles soirées à l’immensité du ciel étoilé le plus souvent hors les villes et leurs éclairages urbains, la rase campagne ou la montagne étant des endroits privilégiés pour leur dégagement visuel sur la voûte céleste.

L’intérêt se découvrira rarement à l’école où on n’accorde que très peu de place à cette discipline pourtant essentielle d’un point de vue existentiel. On n’en parle que de manière superflue au cours de physique dans le secondaire alors que l’astronomie devrait être un fondement de l’enseignement.

C’est une activité parascolaire, à laquelle ne participaient que quelques élèves volontaires, qui m’a permis de visiter un soir de printemps un observatoire situé à quelques kilomètres de chez moi. La montée à la tour centrale dans l’ambiance nocturne de ce bâtiment néogothique (construit en 1881) et la lente ouverture de sa grande coupole sur le ciel avaient fasciné les jeunes adolescents que nous étions. L’opérateur avait pointé le télescope (un télescope de Schmidt de 62 cm) sur les planètes Vénus et Jupiter dont on a pu observer les bandes de nuages laiteuses et orangées, son impressionnante tache rouge (un gigantesque anticyclone) et certains de ses satellites galiléens (du nom de leur découvreur Galilée : Io, Europe, Ganymède et Castillo).

Cette expérience a sans doute contribué à m’inciter à acquérir, bien des années plus tard, un télescope Dobson de 30 cm qui m’a permis d’observer depuis mon jardin toutes les planètes de notre système solaire (les telluriques : Mercure, Vénus et Mars ; et les gazeuses : Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune). La plus fascinante à observer est certainement Saturne et ses anneaux, mais ne manque pas de beauté les comètes, les amas stellaires (par exemple les Pléiades), les nébuleuses (par exemple Orion), les galaxies (par exemple le Grand nuage de Magellan, Andromède, M81, M83, M104) et bien sûr notre satellite, la Lune, sur lequel j’ai pu observer des détails de moins d’un kilomètre ainsi que notre étoile, le Soleil, au travers un filtre permettant de repérer ces éruptions et ses taches solaires (régions d’intense activité magnétique, mais plus froides).

Quand le ciel est sain il n’est pas besoin de télescope pour remarquer la traînée neigeuse qui le ceinture et qui correspond au profil de la Galaxie spirale à laquelle nous appartenons : la Voie lactée. Elle comprend entre 200 et 400 milliards d'étoiles et plus de 100 milliards de planètes.

La première étoile qu’on cherche à reconnaître depuis l’hémisphère nord, pour l’utilité de repère qu’elle peut avoir, est l’étoile polaire qui indique la direction du pôle Nord céleste. On la trouve grâce à la constellation de la Grande Ourse appelée aussi Grand chariot – mais qui ressemble plutôt à une grande casserole – en reportant cinq fois vers le haut la distance comprise entre les deux étoiles (Merak et Dubhe) qui dessine le côté vertical du bout de sa cuve. L’étoile polaire constitue l’extrémité du manche de la constellation de la Petite Ourse qui est moins lumineuse.

On peut rappeler qu’une constellation est un ensemble d'étoiles dont les projections sur la voûte céleste dessinent des figures – ce qu’on appelle des astérismes – mais que ces étoiles n’ont en réalité aucun lien entre elles. On en compte 88 en tout, 44 dans chaque hémisphère.

Dans l’hémisphère sud, c’est la constellation de la Croix du sud – entourée sur trois côtés par la constellation du Centaure et au sud par la constellation de la Mouche – qui permet de repérer le pôle Sud céleste en reportant cinq fois l’axe vertical de la croix vers le bas.

Le ciel nocturne fascine par la présence de ces objets célestes perdus dans l’infinitude de l’univers, une fascination qui suscite spontanément des questions : Où sommes-nous ? Y a-t-il une limite à l’univers ? Y a-t-il de la vie ailleurs ?

Ces grandes questions ne trouveront sans doute jamais de réponses satisfaisantes.

À la question Où sommes-nous ? On peut juste répondre que notre système solaire se trouve dans un bras spiralé de notre galaxie au deux tiers environ de son rayon, son diamètre étant plus ou moins de 120.000 années lumières. Elle se trouve elle-même dans un Groupe local de 60 galaxies qui fait partie du superamas de la constellation de la Vierge comportant entre 1.300 et 2.000 galaxies. La localisation précise de notre galaxie est relative, elle ne s’évalue que par rapport à la position d’autres galaxies ou objets célestes en mouvement permanent s’éloignant pour la plupart les uns des autres puisque notre univers est en expansion. La vitesse de la Terre autour du soleil est de 107.000 km/h, le soleil orbite autour du centre de la galaxie à 850.000 km/h et la galaxie navigue dans l’espace à une vitesse de 2,3 millions de km/h. On admet généralement que l’univers n'a ni centre ni bord, qu’il n'y a pas de point de référence particulier à partir duquel on puisse donner la localisation complète de la Terre dans l'univers.

Y a-t-il une limite à l’univers ? On ne connaît pas les limites de l’univers, ni sa forme qui n’est probablement pas sphérique, ni dans quoi il baigne. Des théories cosmologiques spéculent que notre univers ne serait qu’un univers parmi beaucoup d’autres, il ferait partie d’un multivers. Une hypothèse sans doute à jamais indémontrable.

Y a-t-il de la vie ailleurs ? On peut être persuadé qu’on la découvrira au niveau cellulaire (des bactéries) bientôt dans notre système solaire ; sur Mars – sous condition de l’existence d’eau liquide en profondeur ; sur Europe – un satellite de Jupiter qui possède un océan d’eau liquide sous une croûte de glace ; ou sur Titan – le plus grand satellite de Saturne qui possède une atmosphère de densité comparable à la Terre. L’annonce de la découverte d’une forme de vie intelligente ailleurs dans l’Univers serait prodigieuse, susceptible de bouleverser la spiritualité et l’état psychologique de l’humanité, mais il est difficile d’y croire même si 100 millions de planètes dans notre seule galaxie seraient potentiellement viables, sachant que l’intelligence n’y émergerait pas nécessairement.

On peut raisonnablement estimer néanmoins que des vies intelligentes comparables à la nôtre et même plus avancées ont existé, existent et existeront dans l’univers, mais que nous ne pourrons jamais entrer en contact avec elles sauf miracle. Il est probable que toute vie intelligente s’autodétruit assez rapidement, car son principe moteur est de se développer, de se répandre spontanément ce qui est incompatible avec la modération nécessaire à sa survie à long terme dans le milieu fini, limité de la planète.

Une civilisation intelligente pour perdurer doit pouvoir contrôler sa natalité et son évolution technique afin de respecter la capacité de charge de son milieu, donc d’éviter d’épuiser ses ressources naturelles et de les polluer. Le contrôle de cette pulsion prédatrice devrait se traduire par une décroissance économique très improbable afin de revenir à l’équilibre où le temps nécessaire sera laissé aux ressources naturelles pour se régénérer. Quand on constate la soif de pouvoir et d’avoir de l’humanité, on imagine mal cette possibilité autrement que contrainte et forcée, à la suite de catastrophes majeures où une bonne partie de l’humanité aura déjà disparu.

Pour que le miracle d’un contact radio – le seul possible – ait lieu avec une civilisation extraterrestre, il faudrait que son évolution soit synchrone à la nôtre à quelques centaines d’années près au plus, ce qui est très peu probable, car les laps de temps entre les naissances d’étoiles, des systèmes planétaires et des conditions propices à l’apparition de la vie sur une planète peuvent varier de millions sinon de milliards d’années !

Les distances incommensurables rendent impossible un contact physique, quand on sait que les conditions de survie de l’humanité sont déjà en danger alors que la vitesse maximale qu’elle a pu donner à une sonde spatiale non habitée (Hélios 2) n’est que de 252.720 km/h et que l’étoile la plus proche de notre système solaire Proxima Centauri est située à une distance de 4,22 années–lumière soit 270.000 Unités Astronomiques (1 UA étant égal à la distance Terre-Soleil soit environ 150 millions de kilomètres), que la sonde Voyageur 1 lancée le 5 septembre 1977 progressant à la vitesse de 62.140 km/h n’avait parcouru le 5 décembre 2018, soit après 41 ans de voyage, que 144,9 UA. Hélios 2, la sonde la plus évoluée du point de vue de sa vitesse à l’heure actuelle aurait donc accompli 590 UA en 41 ans signifiant qu’elle mettrait 18.763 ans pour atteindre Proxima Centauri !

On voit donc que la marge de progrès à accomplir pour voyager vers une exoplanète habitable est gigantesque dans un laps de temps où le souci primordial va être d’organiser la survie de l’humanité.

Proxima b, planète de Proxima Centauri, serait potentiellement habitable sur une de ses faces – car sa période de rotation étant égale à sa période de révolution comme notre Lune, une seule de ses faces est exposée à la lumière de son étoile – à condition aussi qu’elle ait gardé son atmosphère. Il existe un projet d’envoyer vers elle des nano-sondes pourvues de capteurs et caméras propulsées par des lasers depuis la Terre à un cinquième de la vitesse de la lumière, ce qui ramènerait le temps de voyage à 25 ans environ à quoi il faut ajouter 4,2 ans pour en recueillir les premières images. Mais quant à un voyage de vaisseau habité il sera sans doute à jamais impossible…

Compter sur une intelligence extraterrestre qui posséderait les techniques de déplacement dans l’espace lui permettant de nous rendre visite et d’accélérer notre progrès est aussi illusoire, car si la vie s’est développée ailleurs elle ne peut l’avoir fait que sur les mêmes principes, à quelques variantes près, que sur notre planète. Même des cerveaux beaucoup plus gros que celui de l’Homo sapiens ne seraient en mesure d’outrepasser les lois universelles de la physique. On ne peut donc pas croire aux OVNI malgré les milliers d’observations recensées dans le monde. Il faut croire qu’il s’agit de phénomènes naturels ou surnaturels inexpliqués, de tests de prototypes d’avions militaires, de mises en scène, etc.

L’humanité restera donc très certainement face à elle–même. Les seules possibilités de migration se limiteront à notre satellite la Lune et à notre planète voisine Mars. Mais ces deux extensions possibles resteront artificielles puisqu’on devra y créer des conditions propices à la vie qui resteront dépendantes des ressources de la Terre à moins de réussir une « terraformation » peu probable de la planète Mars : modification de son climat, de sa surface et de son atmosphère – la température martienne moyenne étant de -63°C, la surface désertique, composée d’hématite, ne permettant pas des conditions d’existence de plantes ou d’animaux, l’atmosphère se composant de 96% de dioxyde de carbone ou gaz carbonique, sa pression étant le centième de celle sur Terre et ne protégeant pas de l’irradiation.

Néanmoins, l’humanité installera sans doute une station habitée en permanence sur Mars, car elle se justifie plus que sur la Lune vu qu’on peut en revenir en trois jours alors qu’il en faut deux cents pour atteindre Mars.

Si les personnes pas trop âgées à l’heure où j’écris peuvent espérer assister au premier pas d’un humain sur la planète Mars – une femme de préférence, pour sa valeur symbolique de porteuse de vie et comme signe d’évolution des mentalités, celui-ci ne signifiera pas que l’humanité pourra la conquérir, les échecs dans l’évolution humaine étant nombreux. On se souviendra qu’un demi-siècle après le premier pas sur la Lune - un pas de géant pour l’humanité selon Niel Amstrong – l’humanité en est resté là.

Il reste que ce premier pas sur la planète Mars sera la démonstration de l’indéfectible volonté de l’humanité à se répandre, à coloniser l’espace dans la mesure de ses moyens. On peut envisager techniquement ce vol habité dans une vingtaine d’années (vers 2040) s’il y a une volonté politique et donc un minimum d’intérêts économiques à court terme… Mais les problèmes qui restent à résoudre sont nombreux : la technique de propulsion surtout pour le retour, le système de support de vie en circuit fermé pendant 900 jours, la fiabilité des équipements, les problèmes physiologiques découlant de l’absence de gravité, les effets des rayonnements sur l’organisme et les problèmes psychologiques…

(Extrait de mon Abécédaire auxiliaire)