"Il faut que la peinture serve à autre chose qu'à la peinture", Henri Matisse.
Alain Zenthner
La rubrique «Journal» rassemble articles, réponses aux sollicitations, impressions, commentaires, et improvisations (à chaud) sur des faits vécus ou d'actualité.


1er décembre 2011

Progressivement, le besoin de m’impliquer davantage dans l’actualité concrète du monde au travers la peinture s’accroît. La gageure est dès lors de lui conserver son caractère sensuel, poétique, spirituel, transcendant et questionnant… de ne pas laisser l’aspect conceptuel dominer l’expression, de ne pas la réduire à un vecteur d’idées et d’engagement.

Faire de ma peinture une forme de journal du temps s’est imposé, ce qui explique l’appellation de cette série Signes du temps, du fait peut-être de ma propension persistante à être le plus possible à l’écoute du monde, de son évolution sous ses aspects les plus divers.

Alors que cette implication naturelle se traduisait surtout par écrit dans ce Journal depuis de nombreuses années, j’ai senti la nécessité de rapprocher ces deux moyens d’expression sinon de les complémenter, pour donner ainsi plus de force et d’unité à mon travail artistique.

Un nouveau défi d’élaboration s’est donc profilé, après la spontanéité jubilatoire de la série intitulée Les origines, la représentativité suggestive de la série intitulée Les apparences, la conceptualisation métaphysique de la série intitulée L’invisible, il s’agissait pour celle-ci de recueillir des visions mentales sur un sujet choisi (s’imposant la plupart du temps de lui-même) qui traverse l’actualité de manière éphémère, persistante ou diffuse, et d’en faire un amalgame pictural imprégné de sensibilité personnelle.

L’œuvre finale résulte donc d’une fusion de représentations captées dans les médias (souvenirs de reportages télévisuels, de photos dans les journaux ou magazines), d’expériences vécues personnellement, d’idées imagées que je me suis faites du sujet… Elle apparaît dès lors le plus souvent abstraite bien qu’y émergent parfois des reliquats concrets suggestifs d’une des manières dont le thème s’est présenté à moi.

S’il vaut mieux de façon générale éviter de paraphraser la peinture, la laisser s’exprimer par ses seuls moyens, pour ne pas dévaluer sa spécificité unique — de liberté d’interprétation et de sensibilisation —, il m’est paru néanmoins plus enrichissant dans cette nouvelle manière de conception de révéler la genèse de l’œuvre par son titre.


Après avoir produit son impact purement pictural, la prise de connaissance du titre peut rapporter l’œuvre à un rébus à résoudre, un rébus plus ou moins soluble qui devrait faire glisser sa réception chez le spectateur du domaine sensuel au domaine réflexif, selon son gré...

Le supplément rationnel du titre élargit sans aucun doute le champ d’action de la peinture à un niveau d’entendement disponible chez l’être humain dont il serait dommageable de se passer. L’histoire de l’art confirme son importance sinon parfois son inséparabilité de l’œuvre. Il ne fait pas de doute que sans titres les œuvres de René Magritte ou de Paul Klee, par exemple, seraient lacunaires…

Le tournant pictural amorcé ici est plutôt enthousiasmant, car il ajuste encore plus mon travail au rôle d’observateur de la société et du monde auquel je me sens attaché tout en abordant plus clairement une voie d’intervenant, aussi étroite soit-elle ; sa largeur ne dépendant que de l'accueil du spectateur…

Cette nouvelle série me donne l’illusion que je ne me contente plus de «jouer du violon» sur le pont tandis que le navire prend l’eau (comme les musiciens de l’orchestre du Titanic) mais que je participe aussi, un tant soi peu, au colmatage des brèches...

(L'insoumission au capital, acrylique sur toile, 120/90cm)


26 novembre 2011

L’université de Houte-Si-Plou (Écoute si il pleut, en Wallon) — appellation charmante de dérision d’une ASBL fondée en 1968 par les étudiants et les professeurs chassés de l'Université catholique de Leuven qui s’est donnée pour objectif de créer un espace de réflexion démocratique en organisant régulièrement des conférences-débats sur des sujets d’actualité — avait réuni trois personnalités de mondes très différents hier soir pour débattre sur le sujet : « Flamands, Wallons, Bruxellois… Je t’aime, moi non plus ! »

Roland Duchâtelet, homme d’affaires, président et propriétaire du club de football du Standard de Liège, en outre fondateur du parti Vivant (aujourd’hui absorbé par le VLD).
Olivier Maingain, député fédéral, président du FDF récemment dissocié du MR.
Jean-Pierre Rousseau, directeur général de l’Orchestre Philarmonique de Liège et ex-directeur de France Musique (de nationalité française).
Des points de vue qui s’annoncent intéressant à entendre mais qui ne présagent pas de controverses sur le fond…

Dès avant l’ouverture des débats, on peut trouver étonnante la présence de Roland Duchâtelet dont le club de football joue en championnat au même moment (à quelques kilomètres). Elle situe à elle seule l’ordre des priorités de ce président de club atypique qui préfère participer à une conférence-débat réunissant une soixantaine de personnes que d’assister à une rencontre de son club.

Résumé des échanges par intervenant :

Roland Duchâtelet pense qu’on ne peut envisager sérieusement une scission du pays, il est déjà trop petit. On doit plutôt aller vers des entités plus grandes. Il estime que l’appellation Belgique est une «marque» connue dans le monde, Flandre et Wallonie par contre… Il faut en finir avec les partis politiques scindés par rôles linguistiques (car ils sont amenés à voter l’un contre l’autre parfois). La Wallonie est conduite depuis trop longtemps par le PS qui est un parti de pouvoir, de réseaux, plutôt qu’un parti qui cherche réellement à faire le bien de la population. Il fait remarquer que le PS a un chiffre d’affaire de 50 millions d’euros par an et que s’il veut survivre (lui comme les autres), il faut que ses membres soient réélus. Il conclut que la particratie n’est pas une bonne chose pour la démocratie. Il reconnaît une différence d’approche au niveau économique entre la Wallonie et la Flandre, mais la langue que l’on parle a peu d’importance. Ce qui unit les Belges : le football et la Royauté (Hmm...)

Jean-Pierre Rousseau ne pense pas que la Wallonie aurait avantage à être rattachée à la France, car elle a toujours un réflexe jacobin (centralisateur) et n'en ferait que sa 28ème région... En 2002, il a demandé au Roi ce qui unit encore la Belgique: la réponse à la question d’un sondage Voudriez-vous ne plus être Belge ? Non à 99% (argument un peu léger...) Il reconnaît des différences culturelles (de mode de vie) entre Anvers et Liège, estime que la langue dominante est le français, car à Bruxelles on parle le français partout sauf dans les institutions culturelles subsidiées par la Flandre. Il n’y a pas de frontière linguistique pour les orchestres, d’ailleurs il engage lui-même des musiciens de toutes nationalités (après vérifications, l’O.P. de Liège engage en grande majorité des musiciens français, alors que les meilleurs musiciens au monde proviennent plutôt des pays de l’Est). Il se réjouit des subsides publics (car beaucoup d’orchestres sponsorisés par des privés disparaissent aux États-Unis), il estime que la culture ne peut pas être déficitaire et que l’argent public doit être encore mieux géré que le privé. Même s’il avoue avoir été engagé comme Directeur Général d’Orchestre en ne connaissant personne (sans piston), il estime qu’il y a encore trop de copinage politique en Wallonie (mais s’en abstient-il dans sa gestion personnelle ?)

Olivier Maingain dit que 70% des Flamands croit encore à l’avenir du pays mais que la vraie question est de savoir à quelles conditions ? La tendance certaine est que la Flandre veut aller vers le confédéralisme car elle estime qu’elle fait mieux seule qu’avec le sud du pays qu’elle considère comme un «boulet». Mais il y a beaucoup d’obstacles pour qu’on aille plus loin dans le divorce (la marque « Belgique », la perte de Bruxelles, etc.). La question la plus importante est de savoir ce que nous voulons pour nous, les Wallons. Nous n’avons pas d’autre choix que de viser l’excellence, d’avoir un projet collectif commun (Wallonie et Bruxelles) pour nous hisser au niveau des performances des différentes régions d’Europe. Il faut, avant toute chose, se redresser économiquement et socialement pour être moins mal considéré. On verra alors si le projet de la NVA est nationaliste ou pas.

Roland Duchâtelet souligne que le monde des entreprises ne connaît pas de frontières (d’ailleurs ses entreprises ne sont pas sur le territoire belge !), qu’elles font une analyse des avantages et désavantages des pays et puis on décide où on va (où l’endroit est le plus profitable). Il fait remarquer que les usines en Allemagne ont 30 % de coût salariaux en moins, qu’en 1970 il y avait 600.000 fonctionnaires en Belgique et 1.200.000 travailleurs en usines et qu’en2011 c’est le contraire. Il y a donc beaucoup trop de fonctionnaires… Il faut retrouver un équilibre entre privé et public, entre le tout libéralisme et le tout public. Il ajoute qu’il faut éviter de faire fuir les gens à forte valeur ajoutée ! (ingénieurs, médecins, etc.) et ne garder que des gens passifs…

Olivier Maingain estime qu’il faut s’organiser pour réformer la gestion publique. Il faut supprimer des niveaux de pouvoirs : Provinces, Intercommunal, Invest, Société de gestion parapublique, etc. (si le débat a lieu ce soir, c’est en partie grâce aux subsides de de la Province de Liège !).
Il y a selon lui trois piliers de redéploiement :
- Travailler à une meilleure qualification des gens, sur les moyens pédagogiques.
- Soutenir la recherche scientifique.
- Combler un retard de création.
En Flandre, l’initiative est encouragée tandis qu’en Wallonie le système parapublique bloque tout.

Jean-Pierre Rousseau estime que la Wallonie doit s’assumer, qu’elle a des pôles d’excellence (mal connus) dans tous les secteurs, que l’investissement dans la culture à Liège est énorme (restauration de l’Opéra, du Théâtre de la Place, etc.) Il trouve sa présence à la tête de l’Orchestre anormale, car il y a sans doute des Wallons capables de faire aussi bien que lui. Il faut cesser de regarder vers le passé (la sidérurgie, etc.), d’attendre que les autres résolvent les problèmes à notre place. Il souligne l’importance de la candidature de Liège à l’exposition universelle de 2017, un projet d’importance nationale et même européenne (face à Astana, capitale du Kazakhstan).

Olivier Maingain ne croit pas à l’indépendance future de la Flandre, mais voudrait qu’on cesse d’attendre qu’elle nous libère de sa domination, d’attendre de voir ce qu’elle nous laissera (une Belgique résiduelle, une WalBrux, une région rattachée à la France… ?) mais qu’on relève les défis immédiats, qu’on s’assume, qu’on définisse une ligne de conduite, un projet commun pour la Wallonie et Bruxelles, qu’on mette au point un cahier de revendications.

Roland Duchâtelet fait remarquer que l’impôt sur les salaires en Belgique sont les plus élevés du monde, qu’on devrait permettre aux retraités de travailler (il oublie d’ajouter, sans défavoriser ceux qui ne le souhaite pas !), qu’il faut abolir toutes taxes sur le travail jusqu’à 1.300 – 1.400 euros par mois. À propos du mouvement des Indignés, il se demande si la démocratie représentative répond toujours à la demande des citoyens ? Il faut trouver de nouveaux modes d’organisation, renforcer la démocratie européenne en donnant une légitimité au Président (Qui parle au nom de l’Europe face à Obama ? Van Rompuy, Barroso, Sarkozy, Merkel… ?). La Banque Centrale Européenne ne peut échapper au contrôle des autorités démocratiques sans quoi on risque des replis nationalistes identitaires.
Il souligne la difficulté qu’il y a à créer un parti, le seuil d’éligibilité de 5%.
Il ne croit pas à une crise économique mondiale, à une diminution de l’activité économique dans le monde (Asie, etc.)

Olivier Maingain dit que la méfiance des Bruxellois à l’égard des Wallons vient de la gestion publique, des pratiques de copinage… que la classe dirigeante bruxelloise (qui se retrouve le W-E au Zoute) ignore le redressement de la Wallonie. Il rappelle que Bruxelles a une forte capacité d’entraînement du pays, qu’elle est son pôle d’attractivité.

Jean-Pierre Rousseau souligne que la culture participe grandement au redéploiement économique alors qu’on croit que c’est superflu (un pôle urbain fort rayonne à 120 km). Il fait mention de l’importance des artistes qui expriment en avant-garde ce que pense le peuple (ouf !).


23 novembre 2011

Son statut de Première dame de France lui aura certes permis d’avoir les faveurs des médias et la considération des puissants de ce monde qu’elle n’aurait pas obtenus autrement, mais son mérite aura été néanmoins d’exploiter au mieux cette position —non préméditée ou planifiée — pour donner le plus grand rayonnement possible à son engagement en faveur des plus démunis et des plus souffrants partout sur la planète.

Ses qualités majeures étaient sans doute sa faculté d’empathie, sa bonté naturelle, sa ténacité à agir pour rendre le monde meilleur doublée d’audace pour y parvenir, au point de mettre parfois son Président de mari en situations délicates...

Ces qualités humaines, on les devinait de suite à sa physionomie et à son ton de voix, franches, sincères, innées, non « apprêtées » comme le sont trop souvent celles des membres du parti auquel elle était liée par alliance.

Elle a assumé des relations amicales controversées avec Fidel Castro, les guérilléros salvadoriens, les zapatistes mexicains et le sous-commandant Marcos… n’hésitant pas à s’exposer au feu des critiques, à prendre résolument parti encore en faveur des indépendantistes Sahraouis, des Kurdes, des peuples indiens d'Amérique latine, des Tibétains, etc.

Dans la même ligne de conduite elle crée en 1986 la fondation France-Libertés qui se donne pour but de défendre les droits de l’homme, le droit d'accès à l'eau pour tous, le droit à l'autodétermination des minorités ethniques, de soutenir la résistance des peuples et des individus opprimés dans leur liberté et exposés au dénuement et à la misère...

Son combat rejoignait au final celui de Susan George (article du 4 novembre 2011) contre le pouvoir de l’argent, les exactions des pirates de la finance et du profit sans vergogne qui spolient les peuples et les richesses naturelles de la planète.

Danielle Mitterrand s’est éteinte hier à l’âge de 87 ans en laissant surtout une valeur d’exemple urgent à suivre.


4 novembre 2011

Il est des soirs où l’on se trouve amené à se poser des questions sur le bien-fondé et la réelle utilité de ses activités. Les mobiles principaux qui animent notre vie apparaissent soudain bien futiles en comparaison de certains autres…

En effet, alors que le monde tourne vite et mal, se consacrer à des occupations artistiques (peindre, écrire…) peut être ressenti comme un faux-fuyant dérisoire devant l’engagement de personnes qui agissent dans le concret (ici et maintenant) pour rendre l’organisation du monde plus juste, plus humaine...

Ainsi en est-il de l'action de Susan George, écrivaine franco-américaine, militante altermondialiste et présidente d’honneur d’ATTAC (Association pour la taxation des transactions financières et pour l'action citoyenne), en conférence hier soir au Palais des Congrès.

Pour expliquer la marche du monde actuel, elle emploie la métaphore des cercles concentriques à l’intérieur desquels le citoyen lambda se trouve.


Le premier cercle extérieur, le plus puissant — qui donne des ordres aux autres —, est celui du milieu financier. En faisant du lobbying pour réunir les banques de dépôt et d’investissement, il est parvenu à modifier le système économique à son avantage en créant des organismes surpuissants qui ne sont plus soumis à régulation.

Le deuxième cercle est celui de l’économie réelle. Celui de ceux qui travaillent, produisent la vraie richesse (dans lequel il est de plus en plus difficile d’entrer, 40% des jeunes sont au chômage en Espagne…) et dont le premier cercle arrive à se passer (80 % de tout l’investissement est engagé dans des produits « exotiques ») au mépris des risques que cela représente, car ceux qui les prennent savent qu’ils échapperont aux conséquences des faillites. Pour sauver les banques, 14.000 milliards d’euros (l'équivalent du PIB de l'Europe !) ont été soutirés aux contribuables.

Le troisième cercle est celui de la société dans laquelle on vit, de plus en plus inégale, où la richesse indécente côtoie la plus grande pauvreté. En 2008, les riches, c'est-à-dire les personnes possédant au moins 1 million de dollars d’actifs financiers, étaient au nombre de 100,1 millions et détenaient ensemble 40.700 milliards de dollars soit quasi le PIB mondial. Parmi elles, 103.000 personnes possèdent au moins 30 millions de dollars d’actifs financiers (les ultras riches) et possèdent ensemble près de 14.000 milliards de dollars. En prélevant seulement 1% des comptes bancaires de ces derniers on obtiendrait 140 milliards de dollars, de quoi éradiquer la faim dans le monde. On estime que 25.000 personnes meurent de faim chaque jour…
La concentration des richesses est spectaculaire aussi au niveau des entreprises puisque 700 entreprises transnationales possèdent 80 % de la richesse globale, 50 d’entre-elles ont un véritable pouvoir sur les gouvernements. On peut les considérer comme les maîtres du monde.

Le quatrième cercle, le plus négligé et cependant le plus essentiel, est la biosphère et le climat dont la dégradation a dès maintenant un impact sur la nourriture, les conditions de vie pour les plus démunis.

La conférencière en vient aux solutions, on doit :

— défaire ce que la sphère financière a échafaudé ces 20 dernières années et reprendre le contrôle de la finance car chacun sait qu’on ne peut gagner à long terme au casino….
— prendre le contrôle des banques (qui ont reçu des fonds) pour les socialiser, c'est-à-dire leur donner un cahier des charges ayant des objectifs sociaux ou écologiques (à l’instar de la banque Triodos).
— élargir le mandat de la banque centrale européenne afin qu’elle prête directement aux Etats au taux d’intérêt très bas (1%) qu’elle accorde aux banques privées pour le moment.
— contrôler les agences de notations.
— taxer les transactions financières.
— fermer les paradis fiscaux.
— annuler la dette subsaharienne.
— revoir tous les accords de commerce (APE, ALENA, etc.) qui donnent aux entreprises le droit de faire ce qu’elles veulent.
— lutter contre l’accaparement des terres (chinois, sud-coréens, etc.) qui s’accaparent les terres fertiles des paysans d’Afrique afin d’importer les produits cultivés sans taxe.
— solliciter la créativité des ouvriers pour relancer les entreprises déficitaires ou en voie de délocalisation (en diversifiant la production).
— d’une manière générale, laisser parler la créativité des gens qui est muselée depuis des siècles par le système économique.

Si on laisse faire, on va vivre une crise financière sans précédent et une crise morale où on continue à récompenser les coupables (qui reçoivent des bonus même après faillite) et à punir ceux qui travaillent.

L’espoir vient de la révolte qui gronde, des « indignés » qui manifestent de plus en plus nombreux partout dans le monde et qui brandissent ce slogan pertinent : Nous sommes 99 % et ils sont 1 %.

(Les Indignés, acrylique sur toile, 80/100cm)


29 septembre 2011

Le seul intérêt d’aller au cinéma finira par être celui de prendre l’air en y allant… tant la plupart des films à l’affiche sont insignifiants, sans intérêt, ennuyeux… à se demander si les subsides consacrés au 7ème art (qui mérite rarement son classement) se justifient. Pas de scénario (ou une histoire qui se résume en une phrase), pas de recherches esthétiques, pas de propositions réflexives ou alors très obscures… ou très légères.

On remarquera aussi la complicité des critiques spécialisés (Première, Critikart, Le Monde, etc.) qui préfèrent consolider la branche économico-culturelle sur laquelle ils sont assis (que de la scier) en attribuant des cotes maximales (4 étoiles) à des films qui endorment le spectateur...

Habemus Papam de Nina Moretti (avec Michel Piccoli dans le rôle d’un Pape déboussolé et Nina Moretti lui-même dans le rôle d’un psychanalyste-éducateur spécialisé d’une troupe de cardinaux infantilisés) fait partie du package.

On sort de la séance avec le seul avantage d’avoir pu profiter d’un demi-sommeil pendant une heure trois quart. Un «suspense» qui se résume à suivre un futur Pape dépressif déambulant dans les rues de Rome, à regarder des cardinaux jouer aux cartes, danser, ou jouer au volley en attendant son retour… avant un désistement final prévisible, censé nous révéler la grande profondeur psycho-sociale de cette entreprise cinématographique : il faut trouver et vivre sa réelle vocation pour être épanoui. En effet, ce futur Pape «s’aperçoit» après une carrière épiscopale qu’il avait plutôt vocation de comédien que de religieux...

Il ne restera sans doute de souvenir du film (après quelques jours) que son titre percutant emprunté indument à la phraséologie traditionnelle de l’Église aimant jongler des locutions latines pour asseoir son prestige.


21 septembre 2011

Quelques mots d’explication sur ma peinture suite aux questions qui m’ont été posées lors du vernissage à la Galerie 87 à Wavre.

Pour moi, la peinture doit d’abord susciter une émotion visuelle, agréable de préférence… Je soigne donc la composition (c'est-à-dire l’agencement des éléments sur la toile) qui est évidemment essentielle pour y parvenir.
Pour ma part, j’accorde plus d’importance à la disposition des couleurs qu’au sujet, même si elle reste dépendante de lui.
J’essaie d’exploiter au maximum les potentialités sensuelles des couleurs par elles-mêmes et par contrastes.
Je joue du pouvoir de rapprochement des couleurs chaudes et d’éloignement des couleurs froides pour perturber le réalisme de la représentation et stimuler l’interprétation.


J’ai réuni ces toiles sur le thème de l’Apparence car je me suis attaché à peindre des attitudes ou comportements que l’humain adopte en fonction des lieux et circonstances. Je ne cherche donc pas à personnaliser mes personnages ce qui explique l’absence de visage qui est due aussi à ma manière de peindre plus suggestive que descriptive.
On sent de plus en plus l’importance de l’image dans notre société, celle que l’on donne de soi et celle que l’on reçoit des autres. Ma peinture peut amener à se poser la question de l’être et du paraître. La femme y prévaut parce qu’elle a bien sûr l’avantage de la grâce…

Dans une deuxième phase, je suis passé de l’apparence des personnes à l’apparence des choses et des lieux. J’essaie de rendre ces instants privilégiés de l’existence où les circonstances particulières font qu’on croit rêver, qu’on n’est plus vraiment certains de la réalité, tellement l’instant est beau ou mystérieux. Et je tente de rendre ces sensations par la force sensorielle du contraste des couleurs.
Donc, globalement, c’est une peinture qui tente d’aller au-delà de la réalité perçue.
Et on peut logiquement estimer que l’au-delà des apparences est d’une certaine Beauté, qu’il est à l’image de la nature et de l’univers, magnifiques d’harmonie. Cette suggestion peut nous amener au constat que tous les désagréments sur cette terre (excepté les catastrophes naturelles), toutes les contraintes, toutes les injustices, violences, etc. sont le fait de l’Homme, de l’organisation mise en place pour vivre en commun sur cette planète.


Différences entre les peintures à l’huile et à l’acrylique (puisque des tableaux réalisés dans ces deux techniques sont présentés) :

— La peinture à l’huile sèche lentement, ce qui permet des repentirs ou des enrichissements de couleurs sans devoir ôter ou recouvrir celles qu’on a appliquées la veille ou l’avant-veille. Les mélanges sur la palette peuvent être très fins, très raffinés. L’application est très agréable, très onctueuse, très douce. La peinture à l’huile serait donc appropriée pour les peintures réalistes, très finies (mais cela reste discutable).
Il y a cependant une règle à respecter afin d’éviter les craquelures après séchage : il faut peindre gras sur maigre (la première couche doit être diluée à la térébenthine avant de recevoir la couche à l’huile de lin). Certaines couleurs jaunissent avec le temps. Mais le désavantage essentiel est pour moi la nocivité des émanations du solvant et de l’huile (aux odeurs incommodantes) qui peuvent provoquer des céphalées.

— La peinture à l’acrylique ne jouit pas de la réputation historique de la précédente. Elle n’est apparue qu’au début des années soixante. Ses pigments sont pourtant les mêmes, aussi résistants et aussi intenses, sinon plus. Le médium étant l’eau, elle sèche très vite (5 à 10 minutes) et elle est moins onctueuse à travailler, mais il existe des retardateurs de séchage ainsi que des fluidifiants et épaississants. La peinture à l’acrylique favorise donc la spontanéité… La correction reste néanmoins possible (en recouvrant la couche déjà appliquée). Elle a l’avantage de ne pas jaunir, de ne pas se craqueler et de ne pas être odorante. Elle peut en outre être recouverte sans problème par une peinture à l’huile (mais pas l’inverse).

Le choix entre les deux techniques dépend donc de sa manière de peindre et de ses sensations personnelles. La comptine bien connue, La peinture à l’huile. C’est bien difficile. Mais c’est bien plus beau que la peinture à l’eau !, insinue dans le public des idées fausses, car la peinture à l’huile est, selon moi, plus facile, du fait de ses possibilités de repentirs et quant à la beauté, de ce point de vue, elle est subjective…

(Le mannequin, huile sur toile, 110/150cm)


14 septembre 2011

Note explicative et justificative d’une intervention dans le réel

1. Situation existante

Le mur soutenant la partie supérieure de la voirie à l’intérieur du virage en épingle à cheveux de la rue X s'est effondré de manière inattendue dans le courant de l’année 2007 sur une douzaine de mètres.

Celui-ci, d’une longueur totale de 38 mètres, a été construit en moellons il y a plusieurs dizaines d'années.

Cet écroulement a provoqué l’affaissement du talutage qui le surmontait entraînant des sections de murets de protection bordant la partie supérieure de la voirie.


Il s’explique sans doute par une circulation accrue et l'augmentation de la charge des véhicules ainsi que par la dégradation de ce mur de soutènement qui présente, dans ses parties encore debout, des joints fissurés envahis par la végétation.

Aucune réparation n’ayant été effectuée depuis cet effondrement, il s'est logiquement amplifié vers aval sur une longueur de 6 mètres environ au début de l’année 2011.

La Commune a placé en guise de signalisation des barrières Nadar sur la chaussée le long des décombres, réduisant ainsi, d’un tiers environ, la partie carrossable de la chaussée.

Cette situation ne peut évidemment perdurer étant donné le danger de basculement qu’il représente pour les véhicules circulant à l'amont et d’éboulement pour ceux circulant à l'aval.


2. Projet

Différentes solutions ont été envisagées : mur poids en béton, mur en L préfabriqué, blocs-mur avec ou sans parement en moellons, gabions.

Pour des raisons économiques, et environnementales, c'est la solution des gabions (surmontés d’un nouveau talutage) qui a été retenue. Ceux-ci ne formeront pas un mur vertical, mais seront posés en gradin formant ainsi un «talus» en moellons chapeauté d’un talutage en terre.

Étant donné son état de dégradation, il a été estimé préférable de démolir les parties restantes du mur de soutènement encore debout sur 7 mètres environ en aval et sur 6 mètres en amont pour en reconstruire un nouveau d’une longueur totale de 35 mètres.

La réalisation de ce mur complètera la réfection du virage réalisé en 2011 dont l’extérieur est soutenu par des éléments en L préfabriqués en béton.

(L'invisible n°18, acrylique sur toile, 50/50cm)


3 septembre 2011

Texte de présentation de ma peinture à l'occasion de l'exposition à la Galerie 87 à Wavre du 3 septembre au 9 octobre 2011:

Pour Alain Zenthner l’intérêt incomparable de la peinture réside dans sa faculté de déstructurer le réel et de nous suggérer ses dimensions cachées.

L’œuvre de cet artiste peut amener en finalité le spectateur à s’interroger sur la consistance de notre monde, sur son caractère illusoire que la science physique actuelle tend d’ailleurs à confirmer.

Ce monde invisible, cette terra incognita palpitante semble en effet se dévoiler à nos yeux dans ces peintures à la faveur d’une exploitation jouissive maximale de la lumière et de ses composants : les couleurs pures.

Une option des plus appropriées pour explorer la part de mystère de la lumière (puisque les scientifiques ne s’accordent toujours pas sur sa nature exacte), vecteur primordial de notre existence.

L’artiste nous propose donc des récitals de couleurs franches : rouges magenta, jaunes de cadmium, bleus de cobalt, verts de cinabre, violets d’Orient... Celles-ci, se confrontant dans des contrastes détonants et délibérément déstabilisants, nous offrent des effets saisissants de perspectives chromatiques où les éléments du réel, qu’il nous est permis de reconnaître, se trouvent rapprochés par des couleurs chaudes ou éloignés par des couleurs froides de manière inattendue. Une pratique susceptible de transporter le spectateur sensibilisé au-delà de la réalité perçue.

Le recours limité au dessin, la cohésion des amalgames colorés et leur synchronisme final concerté font des compositions qui illustrent pleinement la définition d’un tableau de Maurice Denis : avant tout une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées.

L’Apparence de l’être humain sous ses différentes facettes, mais aussi celle du milieu dans lequel il évolue s’impose donc en thème essentiel des peintures d’Alain Zenthner. L’absence de visages ou leurs présences à peine suggérées et l’interdépendance entre ces représentations humaines et leur environnement, quand celui-ci n’est pas livré à sa seule solitude magnétique, dégagent une part de spiritualité indéniable.

La dominance de la grâce féminine et d’atmosphères prégnantes laisse à penser que derrière le voile de ce monde se cache ce que d’aucuns savent déjà discerner à la lumière de notre Univers : la Beauté.


Nicolas Biel, philosophe


30 août 2011

Note explicative et justificative d’une intervention dans le réel

Création de zones de parcage sur le site de l’Institut X de la ville de Y avec accès et remise en état de la rue Z


1. Situation existante

Actuellement, l’accès au site de l’Institut X de Y se fait en traversant le parking public situé au croisement de la rue Z et de l’avenue Z2. L’emplacement de cette entrée principale (au fond du parking) est discret et peu valorisant. Il est néanmoins marqué par une grille entre deux pilastres d’un mètre de hauteur.

Une voie asphaltée rectiligne d’une largeur de 3,5 m et d’une longueur de 130 m traverse le site pour desservir les différents bâtiments jusqu’au fond de la propriété. Après l’entrée, elle longe sur sa gauche la base d’une esplanade triangulaire gravillonnée d’environ 900 m² qui constitue la zone de parcage informe et non organisée de l’Institut.

Cette zone de parcage triangulaire est délimitée sur son côté droit par des ateliers bordés d’une allée en klinkers donnant à l’arrière sur une cour pavée d’environ 400 m² qui permet le stationnement de quelques véhicules. On y trouve un préau ouvert en plastique ondulé d’une longueur de 15 m adossé à un mur en briques (de 13 m de longueur, 2 m de hauteur et 0,35 m d’épaisseur) sur lequel est fixé une conduite de gaz à une hauteur d’1,20 m. À l’extrémité du mur, celle-ci s’élève le long d’un montant métallique jusqu’à une hauteur de 5 m pour franchir l’entrée de la cour et rejoindre le coin du bâtiment abritant les ateliers.

Une allée de pavés de grès (de 4 m de large) relie la cour à la rue Z en longeant les locaux administratifs d’un côté et une rangée de hauts sapins de l’autre. Elle donne à rue sur une grille entre pilastres qui constitue une entrée (piétonne) secondaire du site.

Un muret surmonté de grilles entre des pilastres successives délimite à rue la propriété sur une longueur de 19 m. L’espace entre les bâtiments de l’Institut derrière ces grilles est occupé par une pelouse sur une surface de 300 m². Un panneau dégradé d’une dizaine de mètres de longueur installé parallèlement au trottoir signale la fonction de l’établissement.

La partie arrière du site desservie par la voie asphaltée rectiligne (de 130 m) et prolongée à droite par un dernier segment de voirie longeant les bâtiments est occupée par une surface de terrain de 2.000 m² surplombant d’1 m environ ce segment de voirie. On y trouve plusieurs arbres à hautes tiges et une serre en ruine de 19 m de long sur 6 m de large (mur de soutien de la verrière en pierres de taille d’une hauteur de 0,8 m) à laquelle est accolée une cave-chaudière de 5 m sur 2,5 m couverte d’une dalle en béton (au niveau terrain). Un escalier y descend tandis qu’une cheminée maçonnée de 3 m de haut et 0,80 cm de côté en émerge. Six potagers rectangulaires de 10 m sur 1,5 m entourés de hautes bordures (en béton) se trouvent à l’abandon à côté de la serre.


2. Projet

Le but est de doter l’Institut X de Y d’un parking privé spacieux et d’une voie d’accès indépendante plus valorisante permettant le contrôle des entrées. Par ailleurs, la ville de Y, profitant de ces travaux, souhaite aménager pour son compte en parking public la zone de parcage existante et remettre en état la rue Z dégradée sur un côté de la chaussée (fissures) depuis la future entrée principale de l’Institut jusqu’à son croisement avec la rue Z3.

Le parking actuel (gravillonné) sera donc asphalté et présentera 38 places de stationnement (dont une réservée aux personnes handicapées) dessinées par marquage thermoplastique et organisées autour d’un îlot de verdure triangulaire avec sens unique de giration. Un espace sera prévu pour des bulles à verre enterrées dont le placement nécessitera le détournement de 2 câbles souterrains de Tecteo. Ce parking sera entièrement ceint d’une clôture-haie et pourvu d’une barrière coulissante et de deux autres barrières pour ne permettre l’accès au site de l’Institut qu’aux personnes autorisées.

Une nouvelle entrée sera aménagée rue Z en face du n°42 en profitant de l’espace disponible entre les bâtiments de l’Institut. Une voie asphaltée de 4,5 m de large avec des abords en klinkers (sur une distance limitée) sera réalisée. Elle rejoindra la partie de la voie asphaltée existante (non modifiée) en longeant la clôture du nouveau parking public. Un dispositif de contrôle d’accès avec carte, parlophone et barrière levante sera installé.

La partie de la voirie (rue Z), en face de cette nouvelle entrée, sera reprofilée et pourvue d’un revêtement signalétique en pépites ocres sur une longueur de 15,50 m. Un nouveau passage pour piétons sera dessiné devant l’entrée secondaire actuelle (dépourvue des barrières actuelles). La chaussée sera reprofilée dans un revêtement hydrocarboné noir jusqu’à la limite mitoyenne du n°31 où deux bandes de revêtement en pépites ocres signaleront le début de la zone 30 km/h. Le reprofilage et la pose d’un nouveau revêtement se poursuivront sur la hanche droite de la voirie sur une largeur de 2,5 m et une longueur de 125 m (jusqu’au croisement avec la rue Z3).

Le nouveau parking de l’Institut X de Y sera réalisé dans le fond de la propriété en profitant du vaste terrain disponible. Il comportera 60 places (dont une réservée aux personnes handicapées). Le dernier segment de voirie actuel (longeant les bâtiments) sera raclé et reprofilé depuis le caniveau (transversal), il sera prolongé par une voirie asphaltée de 4,5 m réalisant une boucle autour de deux rangées parallèles de 16 places de stationnement (plus une), les autres places étant distribuées sur le pourtour extérieur de cette boucle qu’on ne pourra emprunter qu’à sens unique. Le revêtement de ces places de stationnement sera réalisé en Dalles gazon. Il est à noter qu’étant donné le dénivelé du terrain, les deux rangées de stationnement présenteront une différence de niveau marquée par un talus séparatif d’1,2 m de large. L’éclairage de ce parking sera assuré par des luminaires placés à 10 m d’équidistance sur toute la longueur du talus et derrière la rangée des emplacements extérieure à la boucle.

Par ailleurs, un enclos à containers (pour déchets ménagers) consistant en une dalle de béton carrée de 4 m de côté ceintes de parois métalliques (ou en bois) suffisamment hautes (pour les dissimulés) sera réalisé sur la pelouse au bord de la voie asphaltée existante à l’endroit le plus propice aux manœuvres du camion-benne à ordures.


28 juin 2011

En février 1990, l’essentiel de la mission de Voyager 1 est accompli. La sonde spatiale s’éloigne des planètes Jupiter et Saturne qu’elle a survolées pour (notamment) analyser leurs atmosphères et prendre les premières photos détaillées de leurs satellites (leurs lunes). Elle file inexorablement à 60.000 km/h vers les confins du système solaire.

L’astronome américain Carl Sagan demande dès lors à la Nasa de tourner les caméras de la sonde vers l’endroit d’où elle est partie 12 ans et demi plus tôt (le 5 septembre 1977). Celle-ci transmet plusieurs heures plus tard une photo (désormais célèbre) prise à plus de 6 milliards et demi de km. On y voit un petit point bleu pâle à peine plus lumineux que les milliers d’autres corps célestes qui l’entourent perdu dans l’immensité noire de l’espace : la Terre.

Cette photo servira de point de départ au livre que Carl Sagan (9 novembre 1934-20 décembre 1996) intitulera : Pale Blue Dot : a Vision of de Human Future in Space. duquel est extrait ce passage :

«Regardez encore ce petit point. C'est ici. C'est notre foyer. C'est nous. Sur lui se trouvent tous ceux que vous aimez, tous ceux que vous connaissez, tous ceux dont vous avez entendu parler, tous les êtres humains qui aient jamais vécu. Toute la somme de nos joies et de nos souffrances, des milliers de religions aux convictions assurées, d'idéologies et de doctrines économiques, tous les chasseurs et cueilleurs, tous les héros et tous les lâches, tous les créateurs et destructeurs de civilisations, tous les rois et tous les paysans, tous les jeunes couples d'amoureux, tous les pères et mères, tous les enfants pleins d'espoir, les inventeurs et les explorateurs, tous les professeurs de morale, tous les politiciens corrompus, toutes les "superstars", tous les "guides suprêmes", tous les saints et pécheurs de l'histoire de notre espèce ont vécu ici, sur ce grain de poussière suspendu dans un rayon de soleil.
...Il n'y a peut-être pas de meilleure démonstration de la folie des idées humaines que cette lointaine image de notre monde minuscule. Pour moi, cela souligne notre responsabilité de cohabiter plus fraternellement les uns avec les autres, et de préserver et chérir ce point bleu pâle, la seule maison que nous ayons jamais connue.»


Une belle mise en perspective de la fragilité de l’Humanité qui devrait l'aider à prendre conscience de la nécessité de s’organiser pour prolonger son aventure autant qu’il est possible. Car c’est un devoir éthique que de préserver une forme de vie capable d’analyser les conditions et le milieu dans lesquels elle est apparue, de chercher à les comprendre, et de s’en émouvoir...

La gageure de l’Humanité consistera à brider les comportements génétiques déterminés de ses individus. Elle n’aura pour seule arme que ses capacités de prescriptions culturelles pour dompter les instincts de possessions, de dominations, d’appartenance sectaire qui ont induit un système économique en passe de «mondialiser» l’épuisement des ressources de son vaisseau, sur le credo d’une croissance infinie illusoire.

La sonde Voyager 1 est actuellement l’objet de fabrication humaine le plus éloigné de la Terre. Elle se trouve aujourd’hui à environ 18 milliards de km (116,17 Unités Astronomiques — une unité valant la distance de la Terre au Soleil). Elle est donc sortie du système solaire (hors de portée de l’influence magnétique du soleil) et poursuit sa course dans l’espace interstellaire sur lequel elle transmettra encore des mesures jusqu’en 2025, ce qui devrait permettre d’obtenir des indices cruciaux sur l’origine et la nature de l’Univers.

Dans 40.000 ans, la sonde qui est porteuse d’un message (graphique et sonore) symbolique de l’Humanité devrait passer à 1,7 année-lumière d’une étoile mineure de la constellation de la Girafe...


17 juin 2011


La grogne (mobilisation de 6.000 jeunes sur Facebook, etc.) monte contre les chauffeurs de bus qui donnent l’impression de choisir les périodes d’examens pour mener leurs actions de grève. Ce moment de l’année leur assure évidemment un impact et une efficacité maximums.

Ces actions prouvent au moins deux choses, c’est que cette entreprise est dotée d’une bonne organisation syndicale et que sa direction manque d’anticipation, de clairvoyance et d’ouverture à la négociation. En se montrant insensibles aux revendications, sachant les risques qu’elle encourt à ce moment de l’année, elle démontre son incompétence, à moins qu’elle agisse délibérément pour forger l’opinion publique contre ses agents, ce qui aggraverait sa déficience. Il faut considérer qu’une grève est avant tout un échec du management, d’autant plus si elle est récurrente à date fixe.

Les médias tendent à énoncer les désagréments que ces grèves occasionnent, plus que d’en expliquer les causes avec précision. On remarque que lorsqu’ils s’y attachent, c’est pour les relativiser ou les décrier prenant ainsi le parti des dirigeants.

Les employés d’une entreprise de transports publics ont cette particularité d’avoir le pouvoir par leur cessation d’activité de perturber directement la vie d’une grande partie de la population d’une région et de représenter une menace économique globale — ce que n’ont pas les autres entreprises. Ils détiennent donc une arme efficace dont ils ne se privent pas d’user (avec logique dans un monde entrepreneurial sans scrupules). Si on envisageait de limiter le droit de grève en raison de la spécificité de la fonction exercée (qui est d’intérêt général), il faudrait garantir une gestion infaillible des conditions de travail et des ressources humaines dont on paraît très loin...

Le traditionnel pot de fer de la direction d’entreprise se heurte ici pour une fois, en raison de la nature de son activité et de sa zone d’influence, à un pot de terre de salariés moins fragile.
Cet atout rare se paie hélas de quelques inconvénients par ceux-là même qui le lui donnent...

(L'impérieuse, acrylique sur toile, 20/50cm)


29 mai 2011

Communion attendue du piano et du violon hier soir au MAMAC que le graphisme du programme cherche à suggérer, mais en accordant néanmoins la prépondérance au violon. La table harmonique de celui-ci est représentée en intégrant quelques touches de clavier reléguant ainsi l'instrument polyphonique au rôle d’accompagnant.

Isabelle Landenne au piano et Frédérique Bozzato au violon se sont donc associées pour explorer les œuvres de Mozart, Clara Schumann, Beethoven, Wieniawski et Grieg.

La première partie (concerto pour violon et orchestre n°4 en ré majeur KV218 de Mozart, la Nocturne en fa majeur de Clara Schumann et la Sonate n°5 en fa majeur op.24 dite « Le Printemps » de Beethoven) me conforte dans l’idée que la musique classique dans un de ses aspects peut être un vrai discours sans paroles, une conversation douce, chuchotée, emportée, ou envolée… particulièrement parlante dans la confrontation de ces deux instruments. Et celle-ci, dans deux des trois opus, donne plutôt un sentiment de légèreté, d’allégresse, de folâtrerie… même si certains accents laissent entendre parfois du désappointement comme il se peut que le Printemps et les amours en connaissent…

Je me disais donc à l’écoute de cette première partie que l’intonation des mots, des phrases, de la langue parlée… est cousine sinon sœur de la langue musicale. Ainsi le rythme syllabique de cette phrase : Vous sa-vez, le pia-no est un bel ins-tru-ment peut être représenté du point de vue de sa séquence par deux croches suivies d’une noire, auxquelles on pourrait ajouter des barres de mesure en faisant coïncider la première syllabe accentuée avec le premier temps d’une mesure à deux temps dont l’unité serait la blanche, cette phrase rythmique greffée à une petite mélodie donne la partition de la célèbre Bourrée de Bach. (Johann Sebastian Bach ou le discours sans paroles : quelques principes de base pour l’interprétation de ses œuvres au piano, Vincent Brauer)

Les coïncidences entre les accents d’une phrase mélodique et les principaux temps de la mesure me font songer que, peut-être, des aspirants compositeurs ou des compositeurs en panne d’inspiration (ou d’endurance dans la construction de leurs œuvres) «traduisent» pour plus de facilités des œuvres littéraires déclamées en langage musical en ne dévoilant pas leurs sources… Cette «traduction» serait alors plus particulièrement perceptible dans les morceaux de musique en manque de mélodies affirmées, d’airs à fredonner.

La deuxième partie (Légende op. 17 de Wieniawski, Scherzo n°2 en ut mineur op. 14 de Clara Schumann, et la Sonate n°3 en ut mineur op.45 de Grieg) dépasse la conversation entre les deux instruments pour verser dans le dialogue inspiré, s’exaltant l’un après l’autre, l’un pour l’autre, l’un avec l’autre… et estomper progressivement les traces de tout langage parlé, de toutes intonations verbeuses, de toute théâtralité…

Le piano seul dans le Scherzo n°2 de Schumann passe un palier supplémentaire en étant sollicité au plus loin de ses possibilités sonores. Poussé dans ses derniers retranchements, il escamote la com-po-si-tion pour la laisser paraître créée par elle-même dans l’instant, d’un trait et entière, dans les mystérieuses arcanes de sa table d’harmonie. La musicienne et son instrument jouent ensemble, jouent ou se jouent l’un de l’autre jusqu’à se dépouiller de leur spécificité respective : la nature instrumentale de l’un devenant humaine et inversement.

La sonate de Grieg élève le défi de symbiose au quatuor (deux musiciennes et deux instruments) et son seul défaut sera d’être «élevée au défi», un des couples instrument-musicienne se faisant parfois le subalterne de l’autre pour y parvenir… mais avec le mérite tout de même d’avoir flirté avec la gageure.

Il reste sous les applaudissements deux techniciennes hors pair de la musique que le travail accompli sur leur art autorise désormais à n’être tributaires que des instants de grâce.


16 mai 2011

La destitution et la déchéance du Directeur général du Fonds Monétaire International provoquées par une petite femme de chambre africaine a la portée symbolique d’une sanction de justice immanente…

L’attitude arrogante des détenteurs de capitaux et donc de pouvoir (fussent-ils socialistes !) d’imposer leurs principes aux plus pauvres (le FMI est responsable de privatisations à effets désastreux dans les pays en voie de développement) et de se croire eux-mêmes au-dessus des lois s’est vue rembarrée par l’atteinte à la dignité d’une simple femme de ménage…

L’occasion est belle de comprendre et d’observer le système judiciaire américain et surtout de voir comment il va être manipulé (par les forces politiques et financières non encore activées) pour sortir DSK de cette très mauvaise posture. Si les faits sont avérés, ce qui est probable vu la réputation de l’homme et les conditions dans lesquelles les faits se sont produits — une femme de chambre servant d’appât ne serait pas entrée dans sa chambre à une heure (midi) à laquelle celle-ci aurait dû être libérée —, il risque selon leur système cumulatif des peines jusqu’à 75 ans de prison (!) peu ou pas compressibles (une révérence à la justice belge !)

Aux dernières nouvelles, DSK serait emprisonné tout au moins pour cinq jours à la prison de Rikers Island dans une cellule individuelle afin d’éviter tout contact avec les autres prisonniers. Une première intervention des forces occultes…


13 mai 2011

Peut-on croire que la langue conditionne la pensée ? Partiellement, lorsque la pensée a une finalité « verbale » (ou écrite). Pas du tout, quand elle se traduit directement en actes, en comportement.
La langue formule, module, remanie, oriente, inspire, développe, affirme et confirme la pensée à finalité « verbale » et donc la conditionne, mais après son émergence seulement. Elle joue dans ce cas un rôle d’outil qui va au-delà de la simple restitution d’une pensée préconçue, mais en restant subordonnée à sa conception première qui dépend des sens, des acquis, des capacités d’émotion, de réflexion, d’imagination…
Ainsi, si un analphabète sourd-muet ne pourra forcément développer et préciser en mots une pensée, il sera certainement en mesure de mener une action stratégique (par exemple) aussi habile qu’un expert dans le maniement de la langue.

Il ne fait aucun doute que le cerveau à une aptitude à penser intuitivement (de manière complexe et même abstraite) en l’absence de mots. Par exemple, le mathématicien, le peintre, le joueur d’échec… pensent et agissent, de manière évidente, sans avoir recours aux mots, mais aussi l’écrivain dont la pensée émerge avant tout par images qu’il traduit seulement ensuite en mots…

Les langues conditionnent-elles la pensée différemment ? Peut-on penser que si une langue, telle que le chinois, qui se différencie de la nôtre par son absence de morphologie, de syntaxe, de conjugaison, de mode et de déclinaison, entraîne une pensée radicalement différente ?
Non, elle paraîtra peut-être différente mais ne le sera effectivement que de manière superficielle. C’est le rendu, l’habillage, la forme de la pensée qui variera, mais pas le fond, car la sensibilité (la perception du monde par nos cinq sens) dont elle dépend est la même chez tous les êtres humains.

En revanche, l’acquis culturel peut évidemment modifier la pensée en profondeur. Mais on ne parle alors plus seulement de langue… mais de culture.
On peut dire que plus la langue est considérée indépendamment de la culture du pays où elle est en usage, de sa tradition, de son mode de vie, etc. moins elle conditionnera une pensée différente.
Un parfait bilingue français – chinois éduqué en Europe pensera en tant qu’Européen. L’expression de sa pensée en chinois ne sera différente de celle qu’il aurait en français que de manière superficielle.


10 mai 2011

Il y a 30 ans, François Mitterrand était élu président, mettant en émoi la frange de population de gauche (qui commémore encore aujourd’hui cette investiture). Ce président qui restera au pouvoir quatorze ans (record de longévité) marquera les esprits de ses partisans comme celui de ses détracteurs. Il restera sans doute le président le plus «impressionnant» de l’histoire de France, non pas parce qu’il a ramené la gauche au pouvoir qui en était privée depuis le mandat de Vincent Auriol (1947-1954) mais parce qu’on sentait cet homme inspiré, imprégné de transcendance. Sensible aux arts et aux lettres, il dégageait une spiritualité inhabituelle chez un homme politique. Il disait croire aux forces de l’esprit, à une forme laïque de communion des saints… et cette communion était perceptible même par ces détracteurs, ce qui explique sans doute cet acharnement médiatique (livresque et télévisuel) à argumenter et justifier leurs critiques… soulignant de ce fait la défaite de leur «matérialisme».


4 avril 2011

Quand j’entends répéter à l’envi que le principal atout de la Wallonie (par rapport à la Flandre) est l’espace dont elle dispose pour implanter de nouvelles entreprises, je ne peux m’empêcher de penser à l’avenir (à long terme) de la planète et à la «croissance» perpétuelle auquel les Hommes se consacrent.

Pour en arriver à quoi ? Hors les villes, à un immense zonage industriel, où seuls la haute montagne, les déserts et les glaciers ne seront pas couverts d’entreprises (fort à parier qu’elles gagneront du terrain sur la mer) ?

Pour édulcorer sans doute son impact environnemental et esthétique, les autorités se plaisent à dénommer ce zonage « parc d’activités économiques », une appellation plus avenante pour masquer la réalité de ces espaces naturels sacrifiés, avec ses voiries désertes sans piétons (aux accotements le plus souvent mal entretenus), desservant des parallélépipèdes de béton ou de métal (où se cachent les activités) bordés de grands parkings asphaltés et d’espaces intermédiaires vaguement gazonnés, no man’s land déprimants.

Dans ce futur radieux, l’Homme sera dès lors satisfait d’avoir atteint les cimes de la croissance. La Terre entière, modelée à son image, sera devenue un parc planétaire d’activités économiques lui tenant lieu de belle nature.

"Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière empoisonnée, le dernier poisson capturé, alors seulement vous vous apercevrez que l'argent ne se mange pas." Prophétie d'un Amérindien Cree


28 mars 2011

Vous qui vivez en toute quiétude
Bien au chaud dans vos maisons,
Vous qui trouvez le soir en rentrant
La table mise et des visages amis,
Considérez si c'est un homme
Que celui qui peine dans la boue,
Qui ne connaît pas de repos,
Qui se bat pour un quignon de pain,
Qui meurt pour un oui ou pour un non.
Considérez si c'est une femme
Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux
Et jusqu'à la force de se souvenir,
Comme une grenouille en hiver.
N'oubliez pas que cela fut,
Non, ne l'oubliez pas :
Gravez ces paroles dans votre cœur,
Pensez-y chez vous, dans la rue,
En vous couchant, en vous levant ;
Répétez-les à vos enfants,
Ou que votre maison s'écroule,
Que la maladie vous accable,
Que vos enfants se détournent de vous.


Poème placé en exergue de Si c’est un homme, de Primo Levi

L’exemple même d’un «poème» qui n’en est pas un, une diatribe désastreuse en exergue d’un livre qu’on a du coup beaucoup moins envie de lire. Il est exigé du lecteur sous la menace d’un châtiment — que l’on suppose divin (!) — de ne pas oublier que des gens ont été mal traités, mal considérés tandis qu’il lui est presque reproché de vivre dans une tranquillité coupable.

On y retrouve le ton et les accents des injonctions bibliques (ou cléricales), la propension à culpabiliser le lecteur pourtant à priori compatissant. Vouloir forcer l’empathie sous la menace est typique d’une certaine mentalité judéo-chrétienne, une attitude primaire qui provoque la plupart du temps la réaction inverse à celle escomptée. Ce ton à la fois gémissant et revanchard, tentant de forcer la compensation vaut d’ailleurs à l’État d’Israël (qui semble ne pas comprendre le défaut de sa technique médiatique) la mauvaise appréciation qu’on en a en Europe (la souffrance palestinienne paraissant plus sincère, plus franche).

Et quand bien même on graverait ces paroles dans notre cœur pour ne pas que notre maison s’écroule, que la maladie nous accable, que nos enfants se détournent de nous… Est-ce que cette « gravure » nous garantirait d’être tolérant, raisonnable, sage en toutes circonstances ?
Est-ce qu’elle nous assurerait de ne jamais être tyrannique pour défendre ses idées, sa culture, son mode de vie, sa position sociale, son pouvoir, son patrimoine, sa famille, son pays…

On en a la réponse en observant le comportement des frères de sang et de culture de Primo Levi.


21 mars 2011

La catastrophe de Fukushima n’est-elle pas un signe avant-coureur de plus des calamités qui guettent l’humanité toute entière dans un futur proche ? Des désastres qui ne pourront que se multiplier et finir par avoir des conséquences à l’échelle planétaire dans le système économique et sociétal que l’Homme s’est choisi, c’est-à-dire une exploitation jusqu’à la corde des richesses non renouvelables de sa planète et une mise en œuvre recherchant la rentabilité maximale au mépris de la nature et des êtres vivants.

Il est inquiétant de voir — mais pas étonnant — qu’elle ait eu lieu dans un pays démocratique, hyper développé, à la pointe de la technologie, et dont le peuple est réputé pour sa sagesse. Une réputation qui se révèle aujourd’hui usurpée… La déférence et la politesse légendaires japonaise s’affichent à présent aux yeux du monde comme un simple parement à l’égoïsme, à la passion du lucre, à la soif de pouvoir.

Une trentaine de rapports d’inspection ayant été falsifiés avant le séisme, on comprend mieux désormais la vraie symbolique des «trois petits singes » (qui se cachent les yeux, les oreilles ou la bouche) du sanctuaire Toshogu à Nikko : ne pas vouloir voir ce qui pourrait poser problème, ne rien vouloir entendre pour pouvoir faire « comme si on ne savait pas », ne rien vouloir dire de ce qu’on sait pour ne pas se compromettre. On notera que ces petits singes dans la version originale ont le buste incliné vers l’avant, à l’image de ce peuple fervent de courbettes, parachevant ainsi la portée du symbole.


13 mars 2011

«Choisir la vie, choisir un boulot, choisir une carrière, choisir une famille, choisir une putain de télé à la con, choisir des machines à laver, des bagnoles, des platines laser, des ouvre-boîtes électroniques, choisir la santé, un faible taux de cholestérol et une bonne mutuelle, choisir les prêts à taux fixe, choisir son petit pavillon, choisir ses amis, choisir son survet' et le sac qui va avec, choisir son canapé avec les deux fauteuils, le tout à crédit avec un choix de tissu de merde, choisir de bricoler le dimanche matin en s'interrogeant sur le sens de sa vie, choisir de s'affaler sur ce putain de canapé, et se lobotomiser aux jeux télé en se bourrant de MacDo, choisir de pourrir à l'hospice et de finir en se pissant dessus dans la misère en réalisant qu'on fait honte aux enfants niqués de la tête qu'on a pondu pour qu'ils prennent le relais, choisir son avenir, choisir la vie.
Pourquoi je ferais une chose pareille ? J'ai choisi de ne pas choisir la vie. J'ai choisi autre chose. Les raisons ? Y'a pas de raison. On n'a pas besoin de raisons quand on a l'héroïne.»


Texte d’introduction de la pièce Trainspotting (d’après le roman d’Irvine Welsh et Harry Gibson) jouée avec brio par Jean-François Bastogne, Thomas Ladrière, Céline Masset, Elodie Roman, Stéphane Strepenne dans une mise en scène audacieuse de Luc Jaminet au théâtre Proscenium.

Le problème de la drogue y est clairement désigné comme la conséquence d’une désespérance, d’un questionnement sur le sens de la vie (l’individualisme, le profit, la consommation de biens matériels) et d’une impuissance face au système se traduisant par une autodestruction.

Elle constitue donc une piste claire pour tenter de soigner le mal à la racine. La priorité semble être de redonner le goût de la vie aux victimes en revenant sur ce qui les en a dégoûtés, de montrer les possibilités inédites qu’elle peut offrir et les voies pour y parvenir, et dès lors d’essayer de trouver sa place dans le monde tel qu’il est sans chercher à y échapper (de cette manière-là)…

Il faut s’imaginer Sisyphe heureux: trouver son bonheur coûte que coûte dans l’absurdité de la vie.


16 février 2011

Dossier spécial insécurité, hier soir sur la Une (RTBF). J’entends le présentateur demander au spécialiste de service : Une société sans délinquance est-elle possible ? Question à laquelle j’entends répondre : Non, cela voudrait dire que nous serions tous devenus des robots et que ce serait le signe d’un déficit de variété dans la société… (en résumé). Une réponse un peu scabreuse qui laisse penser que la délinquance ne peut pas être contrôlée et qu’elle est presque nécessaire…

Les statistiques sur la population carcérale étant indiscutables et prouvant que la délinquance (d’après d’autres intervenants) est liée à la pauvreté (au niveau de vie très bas des personnes qui y sombrent — la grande majorité d’entre-elles étant incarcérée pour vol), une réponse remettant en cause la répartition des richesses et l’écart croissant entre niveaux de vie aurait été plus logique, plus constructive et de plus grande portée.

Une meilleure répartition des richesses nécessiterait en effet une action politique pour corriger le système économique (brider le capitalisme sauvage), assurer un minimum vital décent, réformer l’enseignement afin qu’il cherche à épanouir plutôt qu’à sélectionner et à dévaloriser, renforcer les centres d’orientation professionnelle afin que chacun exploite mieux ses talents et qualités et se trouve mieux à sa place, multiplier les centres d’assistance psychologique, etc.

La propension de la société à faire de ses individus des robots (justement), des soldats de la rentabilité est sans doute à l’origine de la délinquance. Son indifférence à l’égard des sensibilités inadaptées à son système, des milieux et des circonstances d’existence (qui ne permettent pas de s’y intégrer) est criante de responsabilité.

Si on ne peut espérer supprimer totalement la délinquance notamment en raison de certains cas pathologiques, la société en étant plus «sensible» pourrait sans aucun doute la tempérer.


26 janvier 2010

Premier anniversaire du plus grand échec — travesti en succès — d’une opération de secours après une explosion au gaz où quatorze personnes ont perdu la vie alors que quatre d’entre-elles auraient pu être sauvées.

Des médias et des autorités (édiles politiques et hauts gradés du corps des sapeurs-pompiers) qui s’obstinent le jour de cette commémoration à vanter l’abnégation, le courage, la prouesse des secouristes, des qualités qu’on ne peut sans doute pas leur nier, mais qui sont loin d’avoir été exploitées comme on veut le faire croire en mettant en avant qu’ils ont réussi à sauver une fillette. La population crédule les élèvera quelques jours plus tard au rang de personnalités de l’année ! Un artiste contemporain renommé de la ville ayant apporté sa contribution naïve en accolant une photo de grand format pendant plusieurs semaines sur l’Hôtel de Ville pour les honorer — retirée ensuite à la demande des parents.

Des médias et des autorités qui tronquent le déroulement des événements en laissant entendre que ces quatre victimes ont succombé à l’effondrement de la façade à 7 heures du matin (tombée sur la chaussée et non sur les gravats où elles étaient ensevelies) alors qu’elles étaient encore vivantes plusieurs heures après cet effondrement. Un événement spectaculaire opportun pour éviter de faire comprendre qu’elles ont été abandonnées à leur sort sur ordre hiérarchique en prétextant le risque d’autres effondrements qui n’ont jamais eu lieu. Un ordre qui n’a pas tenu compte du contact direct que les sauveteurs avaient eu avec ces victimes après avoir creusé un tunnel pour les atteindre (une dans d’entre-elles leur avait indiqué où se trouvait la fillette tandis qu’ils donnaient un masque à oxygène à une autre) et de la promesse qu’ils leur avaient avait faite de revenir les chercher.

Aucun commentaire sur l’arrivée tardive de la pelleteuse et de la grue manipulées par un démolisseur dont c’était la première expérience de sauvetage, sur le manque de matériels adéquats et de personnels spécialisés en matière de déblaiement…

Des témoignages de certains sapeurs-pompiers qui laissent filtrer tout de même à demi-mots qu’ils ont gardés, un an après le drame, des séquelles psychologiques (on le serait à moins), et un témoin direct en particulier qui a osé déclarer, au mépris de sa hiérarchie, dans un reportage pour le journal télévisé, que le plus difficile avait été d’obéir à l’ordre d’abandonner les opérations alors qu’il savait qu’il restait des survivants. Une déclaration qui sauve l’honneur des subordonnés...


10 janvier 2011

Pleure, ô Noir Frère bien-aimé

Ô Noir, bétail humain depuis des millénaires
Tes cendres s’éparpillent à tous les vents du ciel
Et tu bâtis jadis les temples funéraires
Où dorment les bourreaux d’un sommeil éternel.
Poursuivi et traqué, chassé de tes villages,
Vaincu en des batailles où la loi du plus fort,
En ces siècles barbares de rapt et de carnage,
Signifiait pour toi l’esclavage ou la mort,
Tu t’étais réfugié en ces forêts profondes
Où l’autre mort guettait sous son masque fiévreux
Sous la dent du félin, ou dans l’étreinte immonde
Et froide du serpent, t’écrasant peu à peu.
Et puis s’en vint le Blanc, plus sournois, plus rusé et rapace
Qui échangeait ton or pour de la pacotille,
Violentant tes femmes, enivrant tes guerriers,
Parquant en ses vaisseaux tes garçons et tes filles.
Le tam-tam bourdonnait de village en village
Portant au loin le deuil, semant le désarroi,
Disant le grand départ pour les lointains rivages
Où le coton est Dieu et le dollar Roi
Condamné au travail forcé, tel une bête de somme
De l’aube au crépuscule sous un soleil de feu
Pour te faire oublier que tu étais un homme
On t’apprit à chanter les louanges de Dieu.
Et ces divers cantiques, en rythmant ton calvaire
Te donnaient l’espoir en un monde meilleur…
Mais en ton cœur de créature humaine, tu ne demandais guère
Que ton droit à la vie et ta part de bonheur.
Assis autour du feu, les yeux pleins de rêve et d’angoisse
Chantant des mélopées qui disaient ton cafard
Parfois joyeux aussi, lorsque montait la sève
Tu dansais, éperdu, dans la moiteur du soir.
Et c’est là que jaillit, magnifique,
Sensuelle et virile comme une voix d’airain
Issue de ta douleur, ta puissante musique,
Le jazz, aujourd’hui admiré dans le monde
En forçant le respect de l’homme blanc,
En lui disant tout haut que dorénavant,
Ce pays n’est plus le sien comme aux vieux temps.
Tu as permis ainsi à tes frères de race
De relever la tête et de regarder en face
L’avenir heureux que promet la délivrance.
Les rives du grand fleuve, pleines de promesses
Sont désormais tiennes.
Cette terre et toutes ses richesses
Sont désormais tiennes.
Et là haut, le soleil de feu dans un ciel sans couleur,
De sa chaleur étouffera ta douleur
Ses rayons brûlants sécheront pour toujours
La larme qu’ont coulée tes ancêtres,
Martyrisés par leurs tyranniques maîtres,
Sur ce sol que tu chéris toujours.
Et tu feras du Congo, une nation libre et heureuse,
Au centre de cette gigantesque Afrique Noire.


Patrice Lumumba

Cette poésie a été publiée par le journal INDEPENDANCE, organe du M.N.C., en septembre 1959


50 ans après l’assassinat de Patrice Lumumba, ce poème révèle que la colonisation fut surtout un problème de conceptions opposées de l’existence. L’homme Blanc érigeant en valeur suprême la richesse matérielle, l’avoir, le confort (qu’il allait — va toujours — chercher chez les autres en prétextant apporter la civilisation) alors que l’Africain ne demandait guère que le droit à la vie et sa part de bonheur.


8 janvier 2011

Si le mouvement de révolte des jeunes Algériens contre le chômage, le manque de logement et la montée des prix (des produits de base) est légitime et d’ailleurs efficace puisque le gouvernement a réagi (en suspendant les droits de douane, la TVA et les impôts sur les bénéfices), les reportages diffusés aux journaux parlés sont désastreux du point de vue de l’image du pays et de ses habitants. On y voit en effet une foule d’émeutiers encagoulés, braillards et armés de longs couteaux, demander devant les caméras qu’on les laisse venir en Europe ! On imagine de suite la réponse des gouvernements européens à leur requête…

Cette défaillance économique à l’origine du chômage, de la corruption et du désœuvrement risque de prendre de l’ampleur dans tous les pays semi-occidentalisés, c'est-à-dire dans tous ceux qui goûtent à la vie occidentale (par le tourisme notamment) et à son économie de marché tout en restant attachés à leurs traditions religieuses et au mode de vie qu’elles induisent.

Il apparaît en effet impératif de choisir entre la vie «confortable» à l’européenne dont il faut tout de même rappeler qu’elle exige huit heures de travail par jour, rigueur, organisation, responsabilités, etc. et la vie pieuse, sermonneuse, contemplative des faveurs du Tout-Puissant (par essence antilibérale), mais sans travail, sans voiture, sans GSM, sans logement décent…

Les jeunes Algériens commencent à comprendre que la Tradition n’est pas favorable au mode de vie (plus enthousiasmant) qu’ils recherchent puisqu’ils vilipendent les leaders islamistes comme les autres.