La rubrique «Journal» rassemble articles, réponses à des sollicitations, impressions, commentaires, et improvisations (à chaud) sur des faits vécus ou d’actualité.
14 décembre 2006
La RTBF s’est abaissée hier soir à la technique commerciale sensationnaliste de journaux tels que Voici, Ici Paris et consorts… sous le prétexte de créer un électrochoc sur la question communautaire en Belgique.
Pour secouer qui et dans quel sens ? Aucun Flamand n’aura vu l’émission puisqu’elle n’était pas annoncée (en entendre parler le lendemain est du «refroidi»), il reste donc les francophones qui ne sont pas - pour la très grosse majorité - séparatistes (ni dans la population ni dans le monde politique). Il faudrait donc croire que l’émission a été élaborée dans le sens d’un éveil à la conscience wallonne et d’un plaidoyer pour l’indépendance des francophones. Pas du tout! L’énumération des problèmes que poserait une scission du pays contribuait plutôt à démontrer qu’il valait mieux rester unis même si l’image que les reportages (réels) ont donnée de la Flandre était extrémiste et rebutante.
Il n’y eut donc d’électrochoc que dans la forme et non sur le fond. Le débat qui suivit fut de peu d’intérêt, les invités paraissant aussi ébaubis que les téléspectateurs, à une exception près... Laquelle s’est vue couper la parole lorsqu’elle a osé dire que la RTBF ferait mieux de faire des émissions « chocs » sur les problèmes sociaux graves et les dangers de la dégradation de l’environnement.
Au final on a donc assisté une fois de plus à une mise en lumière des différences… Et il est vrai qu’il est difficile de croire à ce stade de l’engrenage que la Belgique puisse rester unie longtemps encore.
Les habitants d’un pays ne peuvent se sentir solidaires à long terme que sur base d’une langue et d’une culture commune (Les italiens n’ont jamais songé à créer une frontière entre le Nord et le Sud). La séparation sous une forme ou une autre semble dès lors inévitable mais il n’est pas certain du tout que c’est son instigateur qui en tirera le plus de profit.
La finesse de la langue et la richesse de la culture française sont admirées (et enviées) en Europe et dans le monde. Et sur ce point les francophones de Belgique ont un avantage qu’ils pressentent… Sans doute faut-il d’ailleurs y voir l’explication du peu d’intérêt qu’ils montrent à apprendre le néerlandais mais aussi leur hésitation à affirmer leur identité wallonne – le wallon étant un dialecte en disparition et tenant du folklore. Ils se sentent avant tout de culture française (et non de culture wallonne) sans se vouloir français. Les flamands au contraire se réclament de la culture flamande (et non hollandaise) tout en percevant ses limites ce qui les incite à apprendre d’autres langues.
L’identité des francophones de Bruxelles et de Wallonie s’épanouirait sans doute avec plus de bonheur sous une nouvelle appellation commune…
10 décembre 2006
Ça vaut pas la peine
De laisser ceux qu’on aime
Pour aller faire tourner
Des ballons sur son nez
Ça fait rire les enfants
Ça dure jamais longtemps
Ça fait plus rire personne
Quand les enfants sont grands.
Refrain de La Complainte du phoque en Alaska (paroles et musique de Michel Rivard) chanté par le groupe canadien Beaudommage il y a plus de trente ans… qui pourrait laisser à réfléchir aux artistes (les phoques) sur leur position d’amuseurs publics, de fabricants gracieux d’échappatoires esthétiques et spirituelles, de sauveurs d’âmes, livrés à l’arbitraire des pressureurs (les chasseurs) n’imaginant pas un instant que la rentabilité de leur négoce dépend de l’équilibre d’un ballon sur un nez...
30 novembre 2006
Est-il sain de laisser la responsabilité de hautes fonctions publiques - ministérielles notamment - à une personne qui déclare publiquement prendre par là «sa revanche sur la société», société au service de laquelle elle est sensée se trouver… ?
28 novembre 2006
Sur une population mondiale de 6 milliards et demi d’êtres humains à ce jour, 3 milliards vivent sous le seuil de pauvreté (soit avec moins de deux dollars par jour) ce qui signifie que la recherche de la satisfaction des besoins vitaux de base (la survie) est pour eux la seule préoccupation quotidienne ; on peut estimer que 2 autres milliards d’êtres humains même s’ils ne sont pas directement menacés de mort (par la famine, le froid, la maladie, la guerre, etc.) vivent dans des conditions précaires, la question de simple subsistance décente étant en permanence au centre de leur vie, leur mode d’action (éventuel) sur le milieu est sans alternatives possibles guidé uniquement par ce qu’ils peuvent se permettre d’avoir à leur disposition.
Reste un milliard et demi d’êtres humains desquels on peut soustraire les trop jeunes, les trop âgés, les trop malades… pour être en mesure d’adopter un comportement dirigé et un mode de vie susceptible de préserver la planète.
Au final moins d’un milliard d’êtres humains ont accès au «superflu», peuvent exercer un pouvoir sur l’environnement (sans en être entièrement tributaires) et sont donc susceptibles d’être concernés par l’écologie…
27 novembre 2006
Nicolas Hulot (présentateur de l’émission Ushuaïa Nature) était l’invité hier soir (très tard de 23 heures à 1 heures du matin!) de Christine Ockrent et Serge July dans l’émission «France Europe Express» sur France 3 pour présenter et défendre son «pacte écologique» (en dix objectifs et 5 propositions concrètes) qu’il entend soumettre à tous les candidats à la présidence de la République. Il se portera lui-même candidat en début d’année prochaine s’il ne reçoit pas une écoute acceptable ce qui signifie sans doute des engagements suffisants de la part des principaux prétendants…
Nicolas Hulot a rappelé la gravité de la situation, les rapports d’expertises scientifiques désormais catégoriques qui annoncent pour 2050 des catastrophes écologiques susceptibles de mettre en danger la survie de l’humanité : le réchauffement de la planète en raison de l’effet de serre provoqué par la surabondance du dioxyde de carbone (entraînant sécheresses, désertifications, immersions de terre, migrations…), la déforestation amazonienne (entraînant la disparition d’espèces animales et végétales), la raréfaction de la faune marine, etc.
Il s’est ensuite attaché à présenter ses objectifs et à souligner qu’ils ne seront réalisables qu’à la condition d’une prise de conscience générale c’est-à-dire d’une sensibilisation d’une majorité de la population mondiale.
Certains objectifs relèvent malheureusement de « l’imposition », travers classique des chevaliers verts qui n’ont pour solution que de prôner le rationnement en ayant recours à des méthodes coercitives… Méthodes qui ne pourront évidemment jamais rencontrer une adhésion majoritaire (ce qui explique d’ailleurs les faibles scores des partis écologistes au regard de la cause primordiale qu’ils défendent).
L’être humain n’est pas fait pour la stagnation encore moins pour la régression de son statut mais pour l’évolution et la complexification (d’ailleurs partout à l’œuvre dans l’univers). Il ne consentira jamais, même pour préserver la planète (son milieu de vie) de limiter sa liberté et de régresser dans son confort. L’aspiration à exploiter et à soumettre le matériel à sa disposition - la nature (quitte à la détruire totalement) – est inscrite dans son code génétique et en est même son principe moteur (expliquant le progrès technique permanent).
On imagine donc mal que l’augmentation dissuasive (proposée à plusieurs reprises hier soir) du prix de l’énergie (par la création de taxe sur l’émission de dioxyde de carbone par les entreprises et les particuliers) soit acceptée par la majorité des citoyens du monde, augmentation sur laquelle on compte pour contraindre à une utilisation généralisée des transports en commun... Ces mesures créeront de nouvelles inégalités inacceptables, les plus riches pouvant se permettre de continuer à consommer de l’énergie à leur guise (à se chauffer et à circuler dans leur véhicule personnel) tandis que la majorité des autres devront vivre avec une petite laine chez eux en permanence et souffrir les transports en commun bondés (allongeant le plus souvent considérablement les temps de trajet).
Il est plus raisonnable de penser que les Hommes n’adopteront un comportement écologique que lorsqu’ils y trouveront un intérêt immédiat… (ils achèteront des produits verts quand ils seront moins chers que les autres)
Nicolas Hulot profitant de son charisme médiatique devrait donc surtout s’employer à trouver des crédits pour la recherche de techniques productrices d’énergies propres, renouvelables et bon marché (l’eau, le vent, le soleil, les phénomènes naturels sont-ils suffisamment exploités ?), pour intensifier la mise au point de moteurs propres (à hydrogène par exemple), pour perfectionner et inventer des dispositifs capables de traiter tous les déchets…
La préservation de la planète ne passera que par des solutions scientifiques et techniques et non par des réglementations cherchant à brider le comportement humain.
Ce point de vue semble avoir totalement échappé aux présentateurs de l’émission puisqu’il n’y avait aucun scientifique invité sur leur plateau...
25 octobre 2006
Le prix Nobel de la Paix 2006 a été décerné il y a quelques jours – pour rappel : Alfred Nobel (1833 – 1896) inventeur de la dynamite travailla toute sa vie à la fabrication de mines, de torpilles et d’explosifs ! Il rédigea un testament stipulant que les intérêts de son capital investi dans des valeurs sûres devaient être distribués chaque année sous forme de prix aux personnes qui, au cours de l'année précédente, avaient apporté les bienfaits (!) les plus considérables à l'humanité dans les domaines de la physique, de la chimie, de la médecine, de la littérature et de la paix dans le monde (les intérêts étant donc divisés en cinq parts). Le testament précise encore que le prix Nobel de la Paix devait être décerné à la personne qui avait le mieux œuvré pour établir la fraternité entre les nations, supprimer ou réduire l'armement ! Pour quelqu’un qui en a fabriqué toute sa vie en faisant fortune, cela ressemble clairement à une tentative de rachat devant l’Éternel…
L’hypocrisie ne se limite malheureusement pas aux origines de la création du prix mais se perpétue dans son attribution. L’heureux lauréat – outre le diplôme qu’il reçoit et le prestige qui en découle (et sa rentabilisation aisée) – reçoit une somme dépassant le million d’euros destinée à favoriser la poursuite des recherches ou de l’activité en évitant les pressions financières ! Cette année il s’agit de Muhammad Yunus, un banquier (!!) fondateur de la Grameen Bank et inventeur du microcrédit au Bangladesh.
Il faut donc comprendre ce prix de la «Paix» comme un prix de la fraternité (car on imagine bien qu’il y ait eu d’autres personnalités en 2005 ayant œuvré plus spécifiquement à établir la paix dans le monde). Muhammad Yunus serait donc un modèle de fraternité et de philanthropie grâce à son invention susceptible d’ouvrir des voies pour sortir de la pauvreté... On peut hélas douter de la bonté de son action et surtout de son efficacité même si elle peut s’avérer utile dans certaines circonstances.
Le Bangladesh malgré un programme de microcrédits mis en route depuis près de trente ans reste avec la Bolivie le pays le plus pauvre du monde (80% de la population de 150 millions d’habitants vit avec moins de deux dollars par jour).
La totalité des microcrédits représente seulement 0,6 % des crédits dans ce pays.
Le prêt moyen accordé est de 130 dollars (pas de quoi pouvoir investir dans du bétail ou du matériel) et le taux d’intérêt varie de 24 à 36 % alors que pour l’achat d’un produit de luxe une personne de classe sociale plus élevée bénéficiera d’un taux de 6 à 8 % dans le système bancaire traditionnel.
Le microcrédit apparaît donc comme un procédé artificiel permettant aux riches de se donner bonne conscience tout en exploitant (de surcroît) la détresse humaine. Il faut sans doute chercher l’origine de son succès médiatique dans le fait qu’il permet aux gouvernements de pays sous-développés et aux pays riches d’échapper à leurs responsabilités face à la grande pauvreté c’est-à-dire à l’instauration de programmes de crédits massifs dans la réforme agraire, la production manufacturière, les coopératives, le soutien à l’exportation, etc.
Le microcrédit permet en outre d’instiller partout le néolibéralisme (et l’individualisme) même où il n’y a rien que désert et famine…
23 octobre 2006
23 h 30 : Ce soir le ciel est sans étoiles… des nuages bas épars filent à grande vitesse vers l’est sur un fond noir bleuté totalement uniforme - le ciel vraiment ? - sans le moindre point lumineux ou photon provenant de l’espace…
23h 36 : Le ciel est normalement étoilé… pour le lieu où je me trouve (une banlieue de grande ville).
Que s’est-il passé ? Une mauvaise observation de ma part, une couverture nuageuse de haute altitude parfaitement homogène (au-dessus des nuages épars) ou… une erreur de manipulation du «grand horloger», un grippage momentané du projecteur en «universcope», une fin de bobine prématurée et un relais raté avec la suivante…
Quelles preuves après tout pouvons-nous réellement avancer de l’existence d’un univers exosolaire (en dehors du système solaire) malgré les fabuleuses avancées de la science, les observations les plus fines et les plus lointaines (réalisées par Hubble ou le VLT) ?
Rien ne dit - pour prendre une image caricaturale - qu’un écran sphérique immense ne serait pas tendu aux confins du système solaire sur lequel serait projeté (comme dans un planétarium) l’image sophistiquée d’un univers en évolution et en mouvement permanent…
Une mystification donnant l’illusion de l’indéterminisme de la condition humaine garant primordial de sa survivance - utile à quelqu’un ou quelque chose quelque part...?
21 octobre 2006
Inculpations et incarcérations d’hommes politiques (bourgmestres, échevins, députés) se succèdent… L’exercice de la politique apparaît de plus en plus comme une haute école de la forfaiture délivrant ses diplômes, il est vrai, à des élèves souvent prédestinés et disposés dès leur entrée à prendre des libertés avec l’éthique et la moralité - leur ego surdimensionné et leur soif de privilèges s’y trouvant trop à l’étroit…
Une extension de ces procédures en justice au jury stipendié que constituent les électeurs qui continuent à voter pour eux ne devrait-elle pas s’envisager ?
19 octobre 2006
La pandémie de la mondialisation laisserait penser que l’humanité est condamnée à endurer pour le reste de son existence les affres de l’économie de marché.
Les rentiers (actionnaires, investisseurs, spéculateurs) ne cessent en effet d’intensifier les coups de boutoir à la protection sociale des salariés, à leurs revenus, à leur rythme de travail, à leur sécurité d’emploi… fragilisant leurs relations sociales, leur santé physiologique et psychologique, leur faculté créatrice, leur environnement et leur qualité de vie.
On peut craindre qu’elle prolifère longtemps encore ; quelques-uns regardant leur argent travailler et les autres (la majorité) travaillant à rendre le spectacle réjouissant...
Mais il ne suffit pas d’espérer un «monde nouveau» (sous-entendu un autre système économique engendrant un autre mode de vie), il faut essayer de l’imaginer et d’indiquer des pistes pour garder une chance qu’il advienne. Cette prospective se trouve évidemment pour l’heure qualifiée d’utopiste surtout par les «spectateurs» - qui ne tiennent pas à devenir «acteurs». Certains n’en ont cure et y réfléchissent depuis longtemps déjà, tel Michael Albert, militant libertaire nord-américain et auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet dont Après le capitalisme, éléments d'une économie participaliste, Agone, Marseille, 2003.
Il s’attache à défendre l’économie participative «qui serait autogérée et qui aurait pour critères de rémunération l’effort et le sacrifice dans la production de biens socialement utiles. Celui qui travaille plus et plus dur dans des conditions plus difficiles reçoit davantage. En revanche, celui qui par le seul effet de la chance ou de la naissance, bénéficie de machines et de technologies plus avancées, ou de dons artistiques, physiques ou intellectuels, n’est pas mieux rémunérés que les autres.»
Subsiste, le problème de savoir qui jugera de la hauteur du sacrifice pour décider des rémunérations à attribuer – ce qui implique toujours un rapport de domination.
La considération sur les dons personnels est aussi difficile à admettre ; bien qu’elle soit juste du point de vue éthique, il paraît difficile de discerner ce qui résulte d’un don ou d’un long travail.
Michael Albert s’oppose à raison «aux rentes de situation qui font qu’une masse inerte (un immeuble par exemple) peut rapporter sur peu de temps davantage qu’une vie de travail.»
Il propose que «dans chaque métier l’ensemble des tâches soient redéfinies de façon à mêler mission d’exécution et de conception, seul moyen acceptable de distribuer les avantages et les contraintes du travail. Il refuse aussi la séparation entre fonctions d’exécution et de direction.»
Il est vrai que la parcellisation des tâches et la spécialisation à outrance, font souvent perdre de vue la finalité de son travail, son inscription dans le développement de la société, la manipulation dont il peut être l’objet et ses conséquences… installant de surcroît le travailleur dans une routine individualiste aveugle qui donne à beaucoup le sentiment d’une vie inaccomplie.
En France il faut citer les recherches très étoffées du philosophe André Gorz dans son livre parut en 1988 : Métamorphoses du travail, Critique de la raison économique, en Folioessais, n°441. Il y défend l’idée entre autres que toutes activités – de culture, de loisir, y compris la maternité par exemple – méritent rétributions (autant que d’autres parfois moins utiles socialement).
Il propose un déconnexion du travail et du revenu par l’attribution d’une allocation universelle (aujourd’hui tout à fait réalisable) en rappelant que le travail n’est la préoccupation majeure de l’homme que depuis la révolution industrielle du 19ème siècle. Une voie susceptible pour lui de redonner un sens à notre civilisation.
13 octobre 2006
Est-ce vraiment judicieux de désigner invariablement des titulaires de diplômes universitaires (le plus souvent des licenciés en droit mais aussi des ingénieurs civils, etc.) pour remplir la fonction de président de bureau de vote car si l’université leur a peut-être appris la logique et la rigueur, elle leur a souvent fait perdre le respect des autres dans son obstination à subordonner…
C’est ainsi que dans notre bonne ville, la plupart des «présidents» pour être certains de ne pas manquer d’assesseurs ont convoqué jusqu’à cinquante personnes ! (dix fois plus que nécessaire). Comme la très grosse majorité des gens ont répondu aux convocations contrairement à ce que la presse avait présumé, on faisait la file à l’aube dimanche dernier dans les bureaux de vote pour assumer son sacerdoce civique (obligatoire puisque passible d’amende en cas de défection sans motif grave et rétribué de 12,5 € pour 8 heures de présence !).
Les présidents les plus «compétents» ont fait attendre les personnes une demi-heure avant de désigner cinq volontaires et de laisser deviner aux autres qu’ils pouvaient rentrer chez eux avant de revenir voter… bref de la manutention de bétail… un bel encouragement à accomplir son devoir civique !
12 octobre 2006
Les élections communales et provinciales méritent-elles vraiment qu’on en fasse un fromage ? Des semaines de débats et de bilans communes par communes dans les médias pour des changements somme toute parcimonieux. Elles furent l’occasion une fois de plus d’une démonstration tous azimuts d’un des aspects les plus flatteurs de la nature humaine à savoir sa soif de pouvoir, d’influence, de prestige de la fonction et des rémunérations et avantages afférents.
Combien sont-ils à briguer un mandat par seule passion de la chose publique (de sa gestion) ? Combien seraient prêts à exercer un mandat bénévolement et sans attirer sur eux les mérites de leurs réalisations (qui sont le plus souvent normales avec les moyens d’action mis à disposition) c’est-à-dire avec grandeur et dignité ?
Beaucoup d’électeurs se plaignent à raison de l’imperfection du système électoral autorisant le jeu des accords secrets préélectoraux qui permettent à des partis battus de se retrouver dans la majorité – situation de vainqueur ; ce qui donne évidemment aux électeurs le sentiment d’être grugés (par un deuxième tour en sous-main) et celui plus perfide de l’inutilité de leur vote.
Mais peut-on imaginer que de nouvelles «mesurettes» du type de celles concernant l’élection du bourgmestre pourraient parfaire le système au point de rendre les élections vraiment démocratiques et palpitantes parce que porteuses d’un véritable renouveau possible ? Difficile à croire.
La seule mesure qui pourrait apporter un vrai changement serait celle qui empêcherait de faire de la politique une profession c’est-à-dire celle qui interdirait le renouvellement des mandats au même poste. Une personne ne pourrait dès lors plus exercer la fonction de bourgmestre, d’échevin ou de conseiller communal qu’une seule fois dans son existence (le temps d’une législature). Le durée maximale de présence au sein de l’organe de gestion d’une commune serait donc de trois législatures.
Cette mesure qui devrait aussi être applicable pour les postes de députés et ministres (l’addition des cinq mandats ferait tout de même 26 ans de carrière bénévole) aurait l’avantage de renouveler et de multiplier les participants à la vie politique entraînant une plus grande diversité de projets. Elle permettrait surtout d’éviter à certains élus de «s’installer» pendant des décennies au pouvoir avec le loisir d’entretenir une coterie et d’étoffer leur club de supporters pour se rendre «indéracinables». Il est aisé en effet d’augmenter son capital de voix de législature en législature, la fonction offrant une visibilité publique et les moyens de faire plaisir (distribution de logements sociaux, engagement d’agents communaux, réponse à la demande de travaux, organisations de bals et fêtes diverses, etc.).
Cette disposition permettrait en outre à terme d’éviter l’effet désagréable d’une manipulation commode de l’électorat apparaissant très clairement au travers les scores retentissants des «fils de», des «parachutés», et des «empêchés» qu’on reconduit dans leurs fonctions factices, un comble…
18 septembre 2006
Le redoublement est une sanction à vie.
6 septembre 2006
Voici le temps revenu de la rentrée scolaire et d’un certain plaisir peut-être à retrouver les copains ou à s’en faire de nouveau, à changer de classe, de professeurs, d’option, d’école… plaisir des cartables, cahiers et livres neufs aussi… mais plaisirs futiles et éphémères pour les obligés où qu’ils soient et où qu’ils aillent de la maternelle à l’université.
Force est de constater que l’école faillit toujours à son devoir de séduction… Et ce devoir elle a ! puisqu’elle est imposée… de donner du plaisir à apprendre et à se cultiver.
L’école reste encore et toujours (et même plus que jamais) un centre de gavage industrieux avec reconditionnement et sanctions diverses à la clé en cas de digestion insatisfaisante des matières ingérées.
A quand une école qui donne le goût de l’étude, qui communique les passions supposées des professeurs pour leur matière, qui fasse sentir l’enrichissement personnel qu’elle apporte, qui donne l’envie de s’y rendre, qui fasse qu’on l’aime ?
La transmission du savoir est si austère, si ennuyeuse, si formelle (bref : si scolaire) dans toutes les matières qu’elle laisse une majorité d’élèves désemparés à l’heure des choix fatidiques qui orienteront toute leur vie.
L’apprentissage de la langue maternelle reste souvent trop technique et ne fait pas apparaître suffisamment son rôle capital dans l’expression de sa pensée, des ses sentiments, de son imagination… donc de sa personnalité. Peu d’élèves en sorte avec le sentiment d’avoir acquis la maîtrise d’un outil d’expression artistique (par l’écriture, la manière de dire et de jouer un texte, etc.)
On ne peut espérer non plus donner le goût de la littérature en imposant la lecture d’ouvrages interminables d’auteurs du 18ème et 19ème siècle dans lesquels digressions et descriptions l’emportent sur l’histoire et le suspense – le plus souvent déphasés d’ailleurs.
Mais à quoi servent au fond les mathématiques, doivent se dirent bien des élèves qui se morfondent devant des équations trigonométriques, des études de fonctions, des lieux géométriques, etc. ? Au-delà de leur fonction d’évaluation et de sélection situant le niveau «d’intelligence»… quelles en sont ses applications pratiques ? Quand on expliquera à ceux qui s’y heurtent que sans elles ils ne pourraient pas téléphoner à leurs copains avec leur GSM, chatter sur MSN, s’orienter avec un GPS, que nous ne serions jamais aller dans l’espace et sur la Lune… qu'on leur montrera sous quelles formes elles ont permis ces avancées techniques tout en progressant dans les acquis… la sensation du guet-apens s’apaisant, ils auront sans doute plus de cœur à l’ouvrage … et ils deviendront très vite plus plus «intelligents».
L’histoire est-elle toujours enseignée de manière sensée et chronologique (un comble) ? Et suffisamment confrontée à l’actualité ? (Sans quoi elle n’a qu’un intérêt relatif de mémoire).
Le jargon de la biologie (qui s’apparente presque à une langue étrangère) n’est-il pas imposé un peu trop brutalement aux élèves, affectant d’un aspect rébarbatif la science de la vie ?
Perçoit-on bien la géographie comme le fondement de tous les événements et bouleversements provoqués par les hommes à la surface de la planète ? La ressent-on comme le dénominateur de la géopolitique (sa résultante directe et essentielle) ?
D’une manière générale l’enseignement apparaît donc trop abstrait (manquant de possibilités de visualisation et d’applications pratiques), trop théorique, trop lointain (sans rapport avec le quotidien des gens et des événements dans le monde) et de surcroît répressif, sélectif et classificateur…
La conclusion est claire, il manque tout simplement d’humanité… un comble alors qu’il prétend conduire à ce sentiment en usurpant jusqu’à son nom (Les Humanités!) ; et que dire de l’Université, l’Alma Mater, cette mère nourricière… qui se comporte plutôt en mère infanticide...
PS : Pour la première fois à l’Ulg (Université de Liège) plusieurs dizaines d’étudiants en Médecine et Dentisterie ayant réussi leur année académique (avec une moyenne supérieure à 60 pourcents et sans échecs dans aucun cours) se sont vus refuser leur passage en deuxième année. Ils sont contraints de recommencer leur année sans dispense ou changer d’orientation.
L’Université allègue que les étudiants étaient prévenus qu’il s’agissait d’une année « concours ».
Si les étudiants se préparent de mieux en mieux, il faudra donc s’attendre un jour à devoir faire une grande distinction pour passer en deuxième !
4 août 2006
Il faut imaginer Empédocle réincarné, revoyant sa ville sur cette éminence face à la mer à l’extrémité méridionale de l’Europe et se réjouir d’avoir eu raison ; d’avoir pressenti l’évolution qu’il peut observer aujourd’hui et qui est le fruit de la terre, de l’eau, de l’air et du feu invariablement combinés ou dissociés par l’amour ou la haine.
Ce qu’il voit est à mi-chemin entre la sphère pure et parfaite et le chaos total, une vieille ville qui n’est pas encore assez vieille que pour être la sienne et qui dégringole du parvis de sa cathédrale sur des barres de HLM sans aucun ordre disposées et d’entre lesquelles s’échappent des lacets défaits de voies rapides étayés par des piliers de béton.
Il sent la menace peser sur sa chère vallée, celle des Temples des Dioscures, d’Hercule, de la Concorde et de Junon où il aimait aller jouer enfant, se cacher derrière leurs colonnes… ; mais se rassure à la vue des files de voitures, des parkings bondés, des cabanons plein de souvenirs, des portillons métalliques de contrôle, des échafaudages qui ornent chacun des temples et des légions de touristes informes qui paient malgré tout pour circuler sur sa voie sacrée.
A ce constat, il se dit qu’à sa doctrine philosophique il rajouterait entre l’amour et la haine l’intermède du profit et qu’en couronnement de sa théorie de l’évolution il placerait l’homme Pognon.
14 juillet 2006
Améliorer le monde sans révolution avec discrétion.
12 juillet 2006
Parmi les côtés positifs d’un événement planétaire tel que la Coupe du monde de football il y a sans doute la facilité avec laquelle il suscite l’engouement des foules. On estime qu’un milliard et demi de personnes (un quart de l’humanité) a regardé la finale du tournoi.
La passion du foot est «facile», elle permet de s’évader du quotidien à bon compte (si on se contente de le suivre sur écran), un quotidien dont on peut mesurer la morosité à la démesure de l’enthousiasme et de la frénésie manifestée avant, pendant et surtout après les matches. La fin de la rencontre étant sans doute le moment où les supporters cherchent à se rassurer - dans l’allégresse ou la violence – sur la valeur de leur rêve qui s’envole.
La joie et le défoulement bon enfant sont toujours bienfaisants même si au final il n’y a qu’une équipe sur trente-deux qui en sorte sans déception et frustration.
Ce type d’événement permet peut-être aussi d’élargir l’horizon de ceux qui le regardent ou participent en les amenant à la rencontre de cultures et de philosophies de vie différentes. On peut supposer qu’il contribue ainsi (sans se leurrer) à élever à une meilleure conscience planétaire et idée de l’humanité…
Le jeu en lui-même donne à voir des qualités physiques et techniques, une gestuelle individuelle et des combinaisons collectives témoignant d’un sens créatif et artistique supérieur à celui qu’on rencontre parfois dans le domaine de l’art.
Parmi les côtés négatifs, on relève évidemment les débordements en tous genres, les rivalités qui tournent à l’affrontement violent entre supporters, l’exaltation du patriotisme avec les hymnes nationaux chantés en cœur par les protagonistes et le spectateur, la larme à l’œil risquant de sucrer les appétences nationalistes et xénophobes...
On y trouve encore la démonstration toujours renouvelée de la faiblesse de la nature humaine dans le chef de certains arbitres qui se révèlent perméables aux influences délibérées ou non de la FIFA, du pays organisateur, des fédérations les plus puissantes ou – dans le jeu lui-même – à la pression démonstrative de certains joueurs.
L’aspect le plus désolant est encore de voir ces joueurs réclamer mordicus et parfois avec violence des coups francs, des sorties de balles ou des sanctions, alors que des ralentis en gros plan font la démonstration dix secondes plus tard aux yeux de tous (spectateurs du stade compris à la faveur des écrans géants) de leur mauvaise foi et de la duplicité de leurs revendications.
Le sport qui, dit-on, serait une école de valeurs humaines et de moralité (du respect des règles et des autres, de l’entraide, de la persévérance, de la rigueur, etc) apparaît donc malheureusement ici comme une propagande intercontinentale de l’affrontement déloyal, de l’hypocrisie et du simulacre.
25 juin 2006
En revisitant l’histoire de la philosophie avec Jeanne Hersch auteur de L’étonnement philosophique (folio essais n°216), on réalise combien la philosophie occidentale a perdu son temps en arguties sur la question de l’existence ou non de(s) Dieu(x) – un concept de toute façon inconnaissable et invérifiable...
Au 6ème siècle avant JC alors que «l’étude de la sagesse» balbutiait encore en Grèce, le chinois Confucius (qui n’est pas étudié dans le livre de Jeanne Hersch) a déjà dit l’essentiel en s’attachant « au mieux vivre » et à l’harmonie de la société :
- il élabore une sagesse politique fondée sur une morale susceptible de rétablir la justice, la prospérité et de pacifier.
- il remet les comportements humains en accord avec l’ordre céleste et le destin de chacun.
- il recherche une sagesse morale et politique et une justice sociale.
- il encourage à une sagesse pratique empreinte des leçons de l’expérience.
- il vise l’émancipation du jugement par des réflexions libres échangées sans entraves.
- il désigne les principales vertus qui forment le sage : la fidélité aux principes de la nature (civilité et respect des rites), générosité, bonne foi, vigilance (effort permanent pour progresser), bonté pour autrui.
24 juin 2006
Le but de l’existence doit être d’exploiter au mieux ses aptitudes et les circonstances de sa vie pour s’épanouir dans le respect des autres et de l’environnement - donc de l’humanité.
23 juin 2006
L’artiste doit être un soldat de la beauté… pour la défendre contre ceux qui essaient de la discréditer en prétendant qu’elle est relative et propre à chacun. La beauté est universelle et parfaitement ressentie par n’importe quel être humain normalement constitué et surtout sincère avec lui-même (qui ne la dénigre pas par intérêt - ce que l’on rencontre parfois dans l’art contemporain).
On remarque que les critères de beauté sont très convergents chez la majorité des gens qui s’entendent par exemple facilement sur la beauté de personnes (certaines vedettes du cinéma, de la mode, etc.), de sites, de paysages, d’architectures (les sites protégés de l’UNESCO ou crédités de plusieurs étoiles dans les guides), d’un couché de soleil, d’un phénomène d’astronomie, de la grâce de certains animaux, de certains végétaux, etc.
L’artiste doit contribuer par son travail à faire apprécier cette beauté et à la répandre car elle renforce notre sentiment d’humanité et la conscience de notre condition qui sont indispensables à notre épanouissement et à une vie harmonieuse en société.
La beauté est le premier instrument de lutte contre l’égoïsme, l’indifférence (l’absence d’émotion et de sentiment), la robotisation, l’orgueil démesuré, la soif de puissance, la barbarie et la guerre... Tous caractères que le capitalisme stimule au quotidien…
13 juin 2006
L’art contemporain reste très incompris du public qui arrive mal à le cerner et à le définir.
Une définition simple et logique serait de dire que l’art contemporain est l’art en train de se faire maintenant, un art synchronisé avec le présent mais on se rend vite compte en parcourant les livres, la presse spécialisée et les expositions qu’elle est inexacte, que l’art contemporain ne couvre pas tout ce que les artistes vivants réalisent aujourd’hui ou encore qu’il inclut des œuvres réalisées parfois il y a plus de vingt ans. On comprend dès lors assez vite qu’il s’agit plutôt d’une certaine forme d’art, d’un courant…
Les milieux institutionnels et journalistiques ont cherché à imposer une définition en France : l’art contemporain serait un art qui renouvelle les formes d’expression artistiques existantes - visuelles, littéraires, théâtrales, musicales, chorégraphiques, ou du design - par l’intervention des nouveaux acquis technologiques de notre civilisation tout en suscitant une réflexion sur celle-ci.
Mais au vu de l’ensemble des œuvres qualifiées généralement de cette manière on s’aperçoit que la technologie ne joue pas toujours un rôle prépondérant.
Il semble que les caractéristiques essentielles de l’art contemporain soient d’intriguer, d’étonner ou de heurter par des pratiques, des dimensions, des supports inattendus et cela sans répondre à aucun critère esthétique et de qualités techniques.
Le mystère, le subversif, l’extravaguant, le démesuré, le scandaleux… voilà ce qui donne surtout le qualificatif de contemporain à l’art, avant la réflexion qu’il peut provoquer.
Au regard des œuvres, il apparaît que «l’incitation à la réflexion» est surtout une justification de l’intérêt de cette forme d’art, car on peut réfléchir au départ de presque rien sinon de rien…
On s’aperçoit encore que l’art contemporain vit surtout de son anticonformisme par rapport à l’art traditionnel puisqu’il ne cesse de le détourner, de le caricaturer, de le ridiculiser ou de le parasiter.
L’expression s’impose au début des années soixante en supplantant celles d’avant-garde, d’art vivant ou d’art actuel, ce qui correspond plus ou moins au déplacement de la scène artistique de Paris vers New York.
Son précurseur fut néanmoins le français Marcel Duchamp qui dès 1914 élève au rang d’œuvre d’art ses ready-made (le célèbre urinoir intitulé Fontaine).
S’il existe de belles œuvres d’art contemporain bien réalisées et porteuses de sens, la facilité qu’il y a à s’inscrire dans la mouvance, à donner à une «œuvre» une tendance branchée ouvre la porte à l’imposture et «au n’importe quoi». Le but essentiel se révèle alors trop clairement être la vente ou la promotion culturelle d’une nation ou d’une région par des artistes complaisants et subsidiés (certaines œuvres par leurs dimensions, leurs caractères éphémères, leurs supports intangibles – l’environnement par exemple, sont invendables et ne peuvent être réalisées que grâce à des subsides).
On a de plus en plus le sentiment que l’art contemporain n’est qu’une expression, une commodité de langage qui désigne un phénomène qui part dans toutes les directions au point de sortir parfois du cadre de l’art.
On a souvent l’impression en abordant l’art contemporain que l’hermétisme qu’il affiche est une fin en soi. On le dit souvent réservé aux initiés mais lorsqu’on fait l’effort de s’initier, qu’on s’arrête vraiment sur une œuvre pour l’analyser avec soin on s’aperçoit que le message qu’elle véhicule est souvent limité ou extrapolé.
De plus on peut se poser la question de savoir si une œuvre qui réclame un texte explicatif pour être comprise – quand ce texte lui-même est compréhensible - atteint vraiment son but.
Mais l’attirance du mystère reste grande même quand on sait qu’il n’y en a pas ou si peu.
L’art contemporain a au moins le mérite de solliciter la participation active de ses spectateurs pour discerner ce qui mérite d’être considéré comme œuvre d’art ou non.
9 juin 2006
La Coupe du monde de football qui débute en Allemagne met en évidence que le capitalisme consiste surtout à exploiter la bonhomie et la naïveté de la population qui pratique volontiers le bénévolat !
La FIFA (Federation International Football Association) affiche un bénéfice de 135 millions d’euros pour l’année 2005, bénéfice qu’elle doit en grande partie au travail de fond de milliers de bénévoles (entraîneurs des jeunes, délégués aux équipes d’âge, personnel d’entretien et de cafétéria, etc.) qui font vivre les petits clubs - et même les plus grands - partout dans le monde. Ils forment et encadrent gratuitement des jeunes gens qui deviendront parfois professionnels mais surtout ils contribuent à transmettre la passion du football à tous leurs affiliés qui seront d’une manière ou d’une autre de futurs spectateurs payants - clients de la FIFA…
Cent mille personnes (!) ont été formées comme « bénévoles et ambassadeurs des services du Mondial » afin d’accueillir et d’encadrer les visiteurs (lisez : contrôler leur ticket et les fouiller...)
Il est à supposer que le président Blatter et ses administrateurs sont d’heureux bénévoles et ambassadeurs au service du football…
6 juin 2006
Les détenteurs de gros capitaux (actionnaires, grands patrons, etc.) sont de plus en plus arrogants et toujours prêts à évincer ou à faire lever plus tôt leurs ouvriers (sous la pression de leurs concurrents mondialistes) alors qu’eux-mêmes sont en croisière sur leur yacht…
On entend peu dire qu’ils ne doivent la plus-value de leurs actifs qu’à la force de travail de ceux qu’ils négligent ou pourchassent ; qu’ils empochent ces plus-values et les intérêts sur leur accumulation sans risquer un épuisement ; que les rémunérations injustifiées qu’ils s’octroient sont donc au prorata de leur déficit de moralité et que tant qu’ils seront les «modèles» de fonctionnement de notre société il ne faudra pas espérer un monde meilleur.
31 mai 2006
Des divulgations d’abus de biens publics, de détournements, d’escroqueries, d’associations de malfaiteurs se multiplient et se répètent chaque jour dans le chef de notables - ministres, députés, élus locaux, patrons de société, d’associations, de puissants services publics, des personnes ayant pourtant de quoi vivre très décemment de leurs rémunérations licites et bénéficiant déjà de privilèges liés à leurs fonctions : respect du public et de leurs administrés (du moins de façade), plaisir de diriger, passe-droits sans devoir même les solliciter… Ces privilèges seraient, dit-on, la juste rétribution de l’importance des responsabilités endossées mais on constate que lorsqu’elles ne sont pas assumées elles se révèlent (tout à coup) minimes ou très diluées...
La corruption apparaît bien comme le corollaire indéfectible de notre système de société. Un système qui a les avantages du libéralisme (de la liberté d’entreprendre, de commercer et de consommer) mais qui par essence incite à l’individualisme et à la concurrence, situation qui conduit naturellement à exacerber les égoïsmes, à s’obséder du pouvoir (à dominer les autres) et des biens matériels.
On remarque que tout concourt dans notre société à renforcer cet état de chose. L’enseignement depuis la maternelle qui ne se départit toujours pas (par facilité sans doute) de sa pratique de l’émulation – simple euphémisme d’un encouragement à la concurrence et à la rivalité ; le sport qui consiste plus à vaincre l’adversaire qu’à exceller dans une discipline ; la course à emploi et ses épreuves à l’embauche – qui consistent à «apparaître» comme le meilleur dans l’échantillon des candidats ; l’aveuglement délibéré (des patrons, des instances de parti) des roueries du carriérisme ; etc.
La corruption vient presque s’inscrire d’une manière logique au bout de ce cheminement...
La compétition entre individus n’est pourtant qu’une motivation artificielle nécessaire à ceux qui n’ont pas la vraie passion de ce qu’ils pratiquent et qui ne peuvent évoluer qu’en se comparant aux autres (en se situant dans un classement...)
Comme il est illusoire de vouloir refonder la société sur un autre principe, on ne peut que tenter de mettre un frein à ce conditionnement, tout en faisant de la moralité le premier objectif de l’éducation avant celui de l’acquisition des connaissances et des compétences – il vaut mieux une personne incompétente mais honnête qu’une personne compétente malhonnête... Il faut trouver les moyens de tester cette probité (la mettre à l’épreuve puisqu’elle ne va pas de soi) ou d’en trouver certaines garanties avant d’attribuer des postes importants de gestion, exercer des contrôles rigoureux et réguliers...
Il faut remarquer que ces fonctions sont attribuées par les partis politiques à des gens engagés en politique c’est-à-dire réunissant les meilleures aptitudes à recueillir des voix. On y trouve donc surtout des personnes extraverties, disponibles (visibles partout), douées pour l’expression orale, ayant du charisme et passant bien dans les médias… Or on serait tenter de penser que ces qualités sont contradictoires avec les exigences de la bonne gestion qui ne peut se faire qu’à force d’étude minutieuse et systématique des dossiers dans une ambiance qui relève plutôt de la vie monastique. Si cette étude est déléguée tout repose sur les collaborateurs - ces travailleurs de l’ombre que la population n’a pas élus…– avec le danger de la dissolution par les multiples intervenants, des dérives…
Un changement n’interviendra que sous la pression de la population et de son évolution dans la manière de prendre part à la vie politique. Il serait souhaitable que le citoyen s’intéresse plus au fond qu’à la forme (à l’apparence) pour accorder sa voix, qu’il se fonde sur des bilans écrits objectifs des gestions et des politiques menées – qui pourraient être publiés régulièrement dans un organe officiel indépendant à créer – plus que sur des prestations publiques de personnalités toujours avenantes… Il y aurait à court terme plus de «travailleurs» en politique et moins de bonimenteurs sans scrupules…
La politique n’a rien à gagner à se professionnaliser, elle ne devrait pas permettre de faire fortune. On s’aperçoit que le gain financier est devenu la motivation majeure de l’engagement politique (en plus des autres privilèges qu’il procure), on en a pour preuve le déferlement de fils (filles) de politicien(ne) qui émergent sur la scène des affaires publiques pour exploiter le filon familial du capital de voix et l’attribution des mandats à la clé.
La fonction politique devrait être rétribuée comme un simple dédommagement pour le service civique rendu comme le sont les membres de la protection civile (qui par ailleurs prennent des risques physiques). On ne peut douter que la «scène» se viderait rapidement de tous ses maquignons.
Il apparaît choquant que des associations privées telles les partis politiques - libres de faire élire qui bon leur semble en plaçant leurs candidats en ordre utile sur la liste – ont individuellement tout pouvoir sur l’attribution de certaines fonctions dirigeantes dans les services publics et aux affaires de l’État (la dénomination n’est-elle d’ailleurs pas usurpée dans ces circonstances ?). Le parlement devrait avoir un droit de contrôle sur l’organisation interne des partis et leur manière d’établir les listes électorales. Les mandats présidentiels et autres fonctions clés devraient être très limités dans le temps et non renouvelables (les gens compétents ne manquent pas) pour éviter que des groupements dont la vocation est de servir l’intérêt général se muent en baronnies.
7 mai 2006
La démographie mondiale galopante fixe une échéance inévitable – à la moitié de ce siècle – pour un changement radical de la manière de vivre des humains sur terre.
Dans son livre Origines Trinh Xuan Thuan (Folio essais) fait le bilan impressionnant de l’accroissement de la population mondiale : 500 millions de personnes en l’an 1000, un milliard en 1825, 2 milliards en 1930, 6 milliards le 12 octobre 1999. On prévoit que la population humaine atteindra le cap des 9 à 10 milliards en l’an 2050. La population mondiale s’accroît de 270.000 êtres humains CHAQUE JOUR (soit une ville comme Liège ou Montpellier et leurs banlieues), donc près de 100 millions de personne CHAQUE ANNÉE (soit plus que la population de l’Allemagne - le pays européen le plus peuplé).
Va-t-on pouvoir la stabiliser ? Les ressources de la nature seront-elles suffisantes pour nourrir tout le monde ? Les dégâts occasionnés à la planète pour offrir une vie décente à tout le monde - en plus des excès croissants du superflu – ne seront-ils pas irréversibles ?
Si on se contente de répandre et d’amplifier le système économique occidental dans sa formule actuelle, il apparaît évident que la planète ne pourra pas supporter longtemps les dommages de son exploitation et les rebuts de la consommation.
Le défi de ce siècle sera technologique et organisationnel. Tout reposera d’une part sur les scientifiques et les techniciens qui devront se montrer capable de produire des énergies propres et renouvelables ainsi qu’à traiter tous les déchets, d’autre part sur un gouvernement mondial susceptible d’harmoniser et de réglementer à travers le monde ce nouveau mode de vie en phase avec la nature.
Si ces exigences ne sont pas satisfaites les deux prédictions d’André Malraux («Le XXIème siècle sera religieux ou ne sera pas.») risquent de se vérifier l’une après l’autre : il ne restera plus aux Hommes qu’à prier avant de disparaître…
22 avril 2006
Il est des livres dont la qualité d’écriture (sur le fond et dans la forme) semble se porter garante de leur vérité. Ainsi Les Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar sonnent tellement justes qu’on en oublie presque qu’elles sont imaginaires. N’est-ce pas pourtant présumer de l’inconsistance et du désenchantement de cet empereur que de lui accorder cette belle réflexion sur lui-même au crépuscule de sa vie (page 32 à 34 de la collection de poche Folio n°921) :
"Quand je considère ma vie, je suis épouvanté de la trouver informe. L’existence des héros, celle qu’on nous raconte, est simple ; elle va droit au but comme une flèche. Et la plupart des hommes aiment à résumer leur vie dans une formule…
Ma vie a des contours moins fermes. Comme il arrive souvent, c’est ce que je n’ai pas été, peut-être, qui la définit avec le plus de justesse…
Les grands hommes se caractérisent par leur position extrême, où leur héroïsme est de se tenir toute la vie… J’ai occupé toutes les positions extrêmes tour à tour, mais je ne m’y suis pas tenu ; la vie m’en a toujours fait glisser…
Je m’efforce de reparcourir ma vie pour y trouver un plan, y suivre une veine de plomb ou d’or, ou l’écoulement d’une rivière souterraine, mais ce plan tout factice n’est qu’un trompe-l’œil du souvenir. De temps en temps, dans une rencontre, un présage, une suite indéfinie d’événements, je crois reconnaître une fatalité, mais trop de routes ne mènent nulle part, trop de sommes ne s’additionnent pas. Je perçois bien dans cette diversité, dans ce désordre, la présence d’une personne, mais sa forme semble presque toujours tracée par la pression des circonstances…
Certains travaux qui durèrent peu sont assurément négligeables, mais des occupations qui s’étendirent sur toute la vie ne signifient pas davantage. Par exemple, il me semble à peine essentiel, au moment où j’écris ceci, d’avoir été empereur."
Même s’il est commun de voir des « hommes fonctions » (ministres, présidents, docteurs, maîtres, professeurs, directeurs de tout poil…) relativiser sinon renier en fin de vie les attributions dont ils se sont toujours prévalus pour satisfaire leur orgueil et leurs intérêts - prenant conscience alors seulement que si leur titre leur donnait une apparente teneur pour les autres, il n’était qu’une coquille vide pour eux-mêmes, il n’est pas certain du tout qu’Hadrien empereur romain de 117 à 138 – autant dire le maître du monde vu l’immensité de l’empire – se soit embarrassé de tels états d’âme et qu’il eût de sa vie cette vision. On peut penser qu’en ce qui le concerne il n’avait aucun doute sur le mobile de son existence, lui qui n’hésita pas à faire exécuter tous les conspirateurs qui avaient voulu s’en prendre à son statut.
N’est-ce pas là plutôt une manière de l’auteur de nous signifier habilement qu’à son sens ce personnage n’était pas fait pour être empereur, que c’est la soif de prestige et l’ambition d’être considéré comme « un grand homme » qui l’avaient conduit à ce poste plutôt que le sentiment d’un dessein à accomplir?
Ou encore Marguerite Yourcenar a-t-elle mis dans la bouche de son favori (sur la vie duquel elle s’est penchée plus de trente ans) l’expression d’un sentiment personnel sur sa propre vie. Mais il est difficile de croire que son rêve fût d’entrer au Panthéon des «grandes dames» même si elle fut la première à prendre un siège à l’Académie française. Quant à l’impression d’une destinée incertaine, sans direction ni fil rouge, il aurait fallu qu’elle oublie l’écriture et son œuvre remarquable… ce qui est improbable.
10 avril 2006
Il est rare que je me souvienne d’un rêve même mauvais… Il m’a éveillé vers les 5 heures 30.
Je me vois partir pour un levé topographique mandaté par le bureau, j’arrive sous le pont de l’autoroute rue Saint-Laurent, endroit où je passe tous les jours… Au coin d’une des bretelles qui relie la rue à l’autoroute un petit train touristique se trouve à l’arrêt. Le conducteur revêtu d’une salopette bleue est assis de guingois sur une banquette en skaï fixée au flanc de sa locomotive. En m’approchant je m’aperçois qu’il pleure.
A l’arrière, dans les wagonnets un homme est étendu sur une banquette et semble se reposer un bras replié sous la tête. Il se redresse lorsqu’il me voit approcher. Je reconnais mon père. Il grimace. Je l’interroge illico :
« Qu’est-ce qui se passe ? Que fais-tu là ?
- J’ai eu un accident.
- Tu es blessé ?
- Aux jambes. »
Je baisse les yeux et vois son pantalon découpé à la hauteur du genou : un moignon sanguinolent en sort.
« Mais qu’est-ce que c’est… ?
- On m’a amputé la jambe.
- Comment ça ? Qui ça ?
- Les secours.
- Mais où sont-ils ?
- Ils vont revenir. »
J’entends le conducteur gémir, je regarde ses jambes et m’aperçois qu’une de ses baskets traîne sur le sol et que le bas du pantalon de sa salopette est sanguinolent. Il lui manque un pied.
« Mais pourquoi vous ont-ils laissé là ?
- Ils ont dit qu’une fois que les os étaient sciés ça ne saignait plus et qu’il n’y avait plus d’urgence.
- Mais comment est-ce arrivé ?
- Monsieur a brûlé le feu rouge.
Et le conducteur de répliquer :
« Non, c’est lui ! »
Je m’écarte catastrophé, cherche mon Gsm sans le trouver… Je m’éveille.
Le petit train touristique qui est apparu dans mon rêve est sans doute celui que j’ai vu à plusieurs reprises lors de mon récent séjour à la mer.
La scène de la jambe amputée doit provenir de l’histoire que j’ai entendue du jeune homme qui vendait des caisses de fraises au rabais sur le marché. Une cliente devant moi le voyant boiter comme à l’été dernier lui avait demandé des nouvelles de l’état de sa jambe, il avait répondu qu’on avait dû finir par l’amputer et de rappeler que c’était à la suite d’un accident de camion (la manière dont il était retombé de sa vente à la criée pour répondre à la question inopinée presque à voix basse était touchante, il parla quelques secondes de sa jambe comme d’un corps étranger perturbateur, extérieur à lui-même - de fait, puis avait repris son démarchage virulent feignant d’oublier aussitôt cet intermède).
Le feu rouge est certainement celui qu’un conducteur d’une voiture qui nous précédait sur le chemin du retour brûla allègrement…
Etc.
Le plus étonnant n’est pas que le cerveau théoriquement au repos fasse ressurgir des images et des circonstances vécues les plus diverses mais qu’il les assemble, les mêle à notre insu pour créer des histoires qui même si elles sont farfelues n’en sont pas moins structurées dans leur surréalité. C’est la capacité de composition de notre inconscient qui surprend, capacité qu’on ne retrouve pas toujours à l’état de veille (en pleine conscience)...
Le rêve apparaît comme une preuve de l’existence de facultés cachées de notre cerveau et de nos sens, d’un travail souterrain à l’œuvre à l’insu de notre volonté et de notre discernement qui doit influer sur le cours de la vie et des choses.
Comment pouvoir nier encore l’intervention de l’irrationnel dans le rationnel, de l’incontrôlable dans le contrôlable, du métaphysique dans le physique… ?
8 avril 2006
L’attraction qu’exerce la mer sur les humains est fascinante. Pour des êtres supérieurs qui nous observeraient de haut nous aurions tout l’air d’insectes agglutinés au rivage d’un nectar providentiel. Ils croiraient assurément que notre survie en dépend. La nourriture que nous venons chercher sur ses rivages est pourtant pour l’essentiel de nature psychique : plaisirs de la plage, de la baignade, du bronzage, de la promenade, du sport…
Faut-il penser que les besoins psychologiques de l’Homme soient devenus aussi indispensables que ses nécessités physiologiques ?
Malgré les avantages indéniables que la mer offre - surtout pour le plaisir des enfants - par rapport à d’autres lieux de villégiature, on peut se demander si ce choix de prédilection ne serait pas le signe d’une soif d’évasion vers un site donnant l’impression d’espace – de grand air – et inspirant l’infini.
La mer offre un paysage hautement transcendant et métaphysique (qui nous inspire des pensées qui vont au-delà du monde sensible) par cette réunion du palpable (l’eau) et de l’impalpable (le ciel) entre lesquels la limite (la ligne d’horizon) va parfois jusqu’à disparaître.
Peut-être faut-il compter aussi avec l’attirance inconsciente de l’eau, cet élément naturel dans lequel la vie est apparue et qui nous constitue à 66 pourcents.
Que la quête d’un ailleurs spirituel ou celle d’un ressourcement soit superflue, cet exode massif irrésistible à la moindre occasion est sans doute l’effet d’un déficit d’épanouissement des hommes là où ils sont habituellement, d’une coercition dans leurs modes de vie, d’une déficience dans l’organisation de leur société…
7 avril 2006
J’ai relevé dans une brasserie de La Panne (sur la digue face à la mer) cette étonnante épigraphe de dimension impressionnante sur le mur intérieur latéral (visible de l’extérieur) :
Aliquae venient feriae : animum relaxes, otium des corpori, ut assuetam fortuis praestes vicem.
Aucune source n’étant mentionnée j’ai fait quelques recherches qui m’amènent à penser que ce texte serait le fruit d’extraits recomposés du Livre III de Phèdre (15 avt J.-C. – 50 ap. J.-C.). Ce poète de descendance grecque emmené très jeune à Rome comme esclave puis affranchi par Auguste fut condamné à l’exil pour avoir glissé des allusions politiques dans certaines de ses fables. Premier fabuliste latin, il fut totalement méconnu à son époque et abondamment pillé (et il semble qu’il continue de l’être…). Inspirateur de Jean de La Fontaine, il ne fut vraiment remis à l’honneur qu’après la découverte d’un manuscrit en 1831 au Vatican.
Voici la traduction littérale que l’on pourrait en faire :
Quelques fêtes viendront : relâche ton esprit, offre du loisir à ton corps pour que tu emportes plus courageusement ta destinée habituelle.
23 mars 2006
A l’heure de la Mozartmania je m’aperçois que Patrick Süskind dans La Contrebasse (en livre de poche) édité en 1984 nous invitait déjà à relativiser le génie de Mozart ce qui ne peut pas faire de tort même… s’il a tort.
L’auteur fait dire à son contrebassiste (désabusé de sa condition dans l’orchestre) que Mozart est très surestimé, que lorsqu’on le compare à ses contemporains on ne peut pas dire qu’il a inventé le fil à couper le beurre, qu’il n’y a rien d’extraordinaire à composer à l’âge de huit ans et que n’importe quel enfant peut composer si on le dresse comme un singe… Il insinue qu’il doit sa renommée à la franc-maçonnerie et que d’ailleurs à l’époque c’était facile il avait le champ libre puisque Beethoven, Schubert, Schumann, Weber, Chopin, Wagner, Strauss, Leoncavallo, Brahms, Verdi, Tchaïkovski, Bartok, Stravinsky n’existaient pas encore...
Les multiples manifestations culturelles qui fêtent le 250ème anniversaire de la naissance du musicien de Salzbourg – ne relèvent évidemment pas de la philanthropie musicale et culturelle mais d’une exploitation commerciale outrancière à l’échelle européenne. Et l’on sait combien le matraquage promotionnel peut fausser le jugement, on n’écoutera pas du Mozart d’une oreille objective mais d’une oreille conditionnée par sa « monumentalité », toutes les critiques ne s’adressant dès lors jamais qu’aux interprétations or il me semble (même en n’étant pas musicien) que toutes compositions musicales restent perfectibles. Déprécier Mozart comme la plupart des grands classiques dont on se plaît à fêter les anniversaires (en les surjouant – comme s’ils ne l’étaient pas déjà assez) est sacrilège.
Le parallèle avec la peinture est évident. Lors de la visite d’un musée on regardera plus attentivement un tableau signé Picasso que ceux d’autres artistes moins connus et pourtant certainement tout aussi valables.
Le plus gênant n’est pas que la réputation sacralise les talents d’un artiste mais qu’elle occulte ceux de beaucoup d’autres.
19 mars 2006
Dans un système de société qui nous pousse - rentabilité oblige – à utiliser notre véhicule pour le moindre déplacement (même de quelques centaines de mètres), ce petit éloge de la marche à pied de Patrick Süskind dans Le Pigeon (traduit de l’allemand par Bernard Lortholary) est le bien venu :
La marche apaise. La marche recèle une énergie bénéfique. Cette façon de poser régulièrement un pied devant l’autre tout en ramant au même rythme avec ses bras, la fréquence accrue de la respiration, la légère stimulation du pouls, les activités oculaire et auriculaire indispensables pour déterminer sa direction et préserver son équilibre, la sensation de l’air qui vous frôle l’épiderme : autant de phénomènes qui, d’une manière tout à fait irrésistible, rameutent et rattachent le corps à l’esprit, et font que l’âme, si étiolée et estropiée qu’elle soit, prend de l’ampleur et grandit.
18 mars 2006
Les poètes sont des docteurs ès universalité honoris causa.
17 mars 2006
Il est des artistes (rares) qui parviennent l’espace de quelques instants d’exceptions à voyager dans une autre dimension et à transporter avec eux leur public (du moins celui qui y est disposé). Ce tour de force est plutôt réservé aux musiciens et éventuellement aux chanteurs qui en ces occasions semblent emprunter les facultés du chamane.
Une série de conditions - loin d’être toujours réunies - leur sont nécessaires : une parfaite maîtrise de leur art, une bonne disposition psychique et physique, une sincérité, une rigueur et une foi absolues dans la démarche, une équipe à la hauteur, un environnement (lieu et public) favorable.
Au-delà des éléments rationnels il faut encore ajouter le je-ne-sais-quoi qu’on cherchera à définir comme le charme, la grâce… intrinsèque à la personnalité du maître d’oeuvre.
Enfin pour que l’expérience « transcendantale » aboutisse il faut que tous les éléments en présence – l’artiste, la musique, les mots, la voix, le public et l’espace… - communient dans un même élan.
Julien Clerc a rendu possible ce voyage suprasensible hier soir à Forest National (Bruxelles), réussissant quelques envolées métaphysiques (au-delà des réalités physiques) à la faveur de certaines chansons conductrices intitulées : Danses-y, La petite sorcière malade, Mon cœur volcan, Yann et les dauphins, Le patineur, La belle est arrivée, Utile…
Julien a dédié à propos son tour de chant à Etienne Roda-Gil (décédé le 30 mai 2004) qui se trouve être le parolier essentiel de ces chansons « porteuses » que le musicien et chanteur lui-même le veuille ou non… Il est indubitablement pour quelque chose dans ces « élévations » puisque les paroles ont entraîné la musique, la voix, la manière de chanter… Des paroles à tendance surréaliste adaptées exactement à leur fonction avec juste ce qu’il faut d’abstraction sur un fondement concret pour permettre le décollage… tel un astronaute qui verrait par le hublot de sa fusée la base de lancement s’éloigner puis tous ses repères terrestres se déstructurer avant de voler vers d’autres univers où à n’en pas douter Etienne Roda-Gil doit se promener.
14 mars 2006
Les nouveaux chiens de garde de Serge Halimi paru en 1997 (Liber – Raisons d’agir) brosse un panorama peu élogieux de la presse écrite et audiovisuelle française. Le livre révèle – nombreux faits et exemples à l’appui – les pressions effectives exercées sur les journalistes par les groupes industriels et financiers propriétaires des journaux et chaînes de télévision (avec notamment des sujets tenus à distance et des non-sujets matraqués en permanence). Cette situation conforte la domination de ceux qui détiennent richesse et autorité, promeut la pensée unique (de marché) qui traduit les intérêts du capital international trouvant sa source dans les institutions internationales soi-disant impartiales : La Banque Mondiale, le FMI, l’OCDE, le GATT, l’OMC, la Banque de France.
Pour exemple ce journaliste de TF1 gagnant 35.000 euros par mois (il n’y a pas de zéro de trop) qualifiant la grève des cheminots et des agents de la RATP gagnant en moyenne 1.300 euros de « …mouvement où les fantasmes et l’irrationnel brouillent les réalités », un autre du Figaro (pas plus mal loti) les accusant de « rançonner la France pour la pressurer davantage », etc.
L’auteur démonte aussi les pratiques de la coterie des journalistes et intellectuels en vue : les notoriétés fabriquées et entretenues (intervenants permanents), les affrontements factices, les services réciproques (une interview à la télé contre un éditorial ou une critique de livre), l’autopromotion (de livre).
A la lecture de ce livre l’intelligentsia française perd de son aura car l’intelligence se mesure aussi et surtout à la droiture de son comportement et à la correction de ses actes. Sur base de ce critère on s’aperçoit que l’intelligentsia n’est pas là où on croit qu’elle se trouve (où elle s’affiche et se vend le plus).
On referme le livre avec le sentiment que la liberté de la presse est circonscrite. Le sens critique et l’analyse permanente des intérêts qui dirigent le monde (d’une manière grossière et lassante) s’imposent donc afin de réagir dans la mesure du possible pour que notre liberté (qui dépend des médias) n’en souffre pas plus encore.
10 mars 2006
Je relève dans L’Extase matérielle de J-M.G. Le CLézio :
« Tout ce qui est conçu, senti, expérimenté, imaginé, pensé, deviné, est réel. ET IL N’Y A RIEN D’AUTRE QUE LA RÉALITÉ. Le monde n’est pas le monde. La matière n’est pas la matière. L’espace, l’infini, les microcosmes, les structures, les lois biologiques ne sont pas extérieurs. Tout ce qui existe est humain.» (page 219 du n°212 de la collection folio essais).
Le CLézio nous dit donc qu’un objet qu’il soit devant nos yeux ou imaginé est réel, que tout ce qui relève du matériel et du spirituel (ce qui est senti, imaginé, pensé, deviné…) nos projets, nos rêves, nos fictions, nos croyances sont réels… Il souligne de manière un peu inutile en caractères majuscules qu’il n’y a rien d’autre. De fait puisque la réalité selon cette définition est tout ce qui existe et pourrait exister. Définition un peu saugrenue…
Tout serait donc réel et intérieur à l’humain, ce qui veut dire que l’être humain « façonne » tout ce qu’il voit, projette, croit, rêve…
J-M.G. Le Clézio tend ici à rejoindre Emmanuel Kant dans ce qu’il a appelé sa révolution copernicienne (en philosophie) qui nous dit que la réalité dépend de notre faculté de perception et de représentation, que notre aptitude à connaître détermine notre connaissance, que l’esprit impose son ordre au réel, l’objet à connaître dépendant (tournant autour) du sujet connaissant et non l’inverse.
5 février 2006
J’ai assisté à la demi-finale du 19ème tournoi d’éloquence de l’athénée royal Charles-Rogier. J’ai retenu les questions suivantes posées à deux des concurrents dans la partie « improvisation » de l’épreuve : L’art pour s’évader de la réalité ou la comprendre ? Les artistes ont-ils le pouvoir de changer le monde ?
Questions très difficiles posées sans délai de réflexion à des adolescents de 17 ans…
La formulation de la première question semble ne pas donner le choix entre l’évasion ou la compréhension de la réalité comme finalités de l’art. Or l’art possède effectivement ces deux aptitudes mais ne peut s’y limiter sans quoi son appellation serait usurpée.
L’art doit aussi enrichir son spectateur, lui ravir les sens et l’esprit pour l’amener par ce biais à mieux comprendre la réalité. L’art doit séduire en même temps qu’il interprète, incarne, multiplie les idées et les points de vue sur le monde. C’est cette valeur ajoutée du plaisir des sens et de l’esprit qui élève à « l’art ». Il ne peut en effet se suffire à montrer et à expliquer platement la réalité, sinon il se confondrait en rapports circonstanciés…
L’art donc… pour s’évader de la réalité ou la comprendre mais pas seulement…
Il faut remarquer que pour le créateur d’art (l’artiste) s’évader de la réalité ou la comprendre ne sont que des facteurs de motivation parmi bien d’autres : la nécessité d’une recherche conceptuelle, spirituelle, plastique, technique… le besoin d’exprimer son mal-être, son amertume, sa frustration, ses phantasmes, son plaisir, son engagement idéologique, etc.
La deuxième question est plus simple. L’art peut changer le monde car il favorise l’enrichissement de l’individu qui s’y adonne, lui ouvre l’esprit, l’élève en conscience, l’humanise, l’épanouit, l’assagit... quand il est pratiqué dans la sincérité.
Il est un vecteur puissant d’harmonisation de l’être humain avec son milieu de vie, la planète et l’univers.
Les artistes ont le pouvoir de rendre le monde meilleur parce qu’ils communiquent ce dont ils profitent.
L’art se révélera sans doute indispensable pour prolonger la survie de l’humanité au-delà de ce que la logique permet d’espérer au vu de son inconséquence actuelle.
Les sciences et les techniques n’auront d’autres choix que de s’assimiler à ce modèle d’épanouissement et de gratuité.
Aimer l’art, c’est aimer et faire aimer le monde et la vie de son plus beau point de vue - ni trop bas ni trop élevé.
3 février 2006
Divers journaux annoncent qu’on enregistre une pollution exceptionnelle cette semaine dans le nord de la Belgique. Une inversion thermique associée à l’absence de vent accroît les concentrations de polluants (oxydes d’azote, monoxyde de carbone, benzène et particules fines) au point qu’il est déconseillé d’avoir des activités à l’extérieur…
Les bassins de Liège et de Charleroi qui sont pourtant «isolés» dans la partie sud (globalement moins atteinte) sont les plus touchés avec un indice 9 sur une échelle de qualité qui en compte 10 (l’indice 9 signifie une concentration de particules fines dans l’air ambiant d’environ 200 microgrammes par m³ !). La circulation automobile jouerait un rôle déterminant ainsi que le chauffage domestique… il semble pourtant que seuls les polluants industriels puissent justifier un tel niveau de pollution dans les deux bassins précités.
Ainsi se confirme une nouvelle fois la fâcheuse tendance de certains médias à interpréter les données des scientifiques pour culpabiliser
la population lui reprochant d’utiliser les véhicules personnels (dont l’usage principal est le déplacement vers le lieu du travail) et de se chauffer «exagérément». Les pollutions provenant de l’industrie et du transport des marchandises sont minimisées ou tues car risquant d’entraver sans doute la marche en avant de la sacro-sainte économie.
Les solutions proposées sont l’incitation aux transports en commun (dont les prix viennent encore d’augmenter !) par l’instauration d’un péage à l’entrée des villes, d’une taxe en fonction des rejets polluants, ou encore d’une alternance des plaques… toutes formules qui profiteront évidemment aux plus riches (même pour l’alternance de plaques puisque rien n’interdit d’acheter deux plaques pour la même voiture ou d’avoir deux voitures…).
Les remèdes ne seraient-ils pas plutôt à chercher dans le contrôle renforcé des rejets industriels dans l’atmosphère (afin d’éviter des concentrations de particules inacceptables) et dans l’instauration de directives européennes visant par des avantages fiscaux (ou autres) à rendre prioritaire pour les constructeurs automobiles la recherche de moteurs non polluants.
Il faudra bien que les gouvernements se rendent à l’évidence que les transports en commun ne rencontreront un réel succès que lorsqu’ils seront gratuits, compensant ainsi leurs défauts de confort et de flexibilité par rapport au véhicule personnel.
En attendant le vélo ou la marche réunit l’avantage d’être profitable à l’environnement comme à la santé (quand la qualité de l’air le permet!) et celui de ne pas l’être pour ceux dont les bénéfices se font « sur le dos » du milieu naturel.
31 janvier 2006
Zdenek Stuchlik (physicien théorique, doyen de la faculté de philosophie et de Sciences naturelles de l’université d’Opava) déclare dans un entretien (publié dans le bulletin de janvier de la SAL) :
Les poètes (en ce compris les peintres, les musiciens…) autant que les physiciens et les mathématiciens travaillent d’une façon créatrice, ils ont en commun un trait caractéristique fondamental : le désir de comprendre l’ordre caché de l’univers, de rentrer sous la surface des choses et des phénomènes, attraper et déceler leur essence. Ce qui joue le rôle-clé, ce sont les sentiments d’enchantement par l’expérience du mystère, l’intuition et le jeu de la fantaisie.
Les scientifiques élaborent des hypothèses sur la « consistance » de la réalité et rejoignent donc l’artiste dans ses propositions, à la seule différence que celui-ci ne cherche pas à les vérifier par des observations, des expériences ou des calculs… il les sait « justes » d’intuition… Notons encore le recours commun à l’imagination, à l’abstraction, au symbole, à la métaphore… jusque dans la dénomination finale des conjectures scientifiques : big bang, trou noir, pulsar, naine blanche, cordes, etc.
24 janvier 2006
D’après de nouvelles théories physiques (Pour la science - n°339) l’univers dans sa totalité serait une sorte de grand hologramme (l’hologramme est l’image en relief d’un objet obtenue par les interférences d’un faisceau laser sur une plaque photosensible dont chaque point est codé dans l’épaisseur de l’émulsion et contient l’information de tous les points de l’objet).
Nous vivons dans un espace quadridimensionnel, les trois dimensions de l’espace et le temps : l’espace-temps. Cependant toutes les particules et les champs formant le réel évolueraient dans un monde spatial bidimensionnel, un monde plat. La troisième dimension de l’espace serait mise en forme par la force de gravité qui jouerait le rôle du faisceau laser restituant l’hologramme. Cette théorie holographique pourrait permettre de lier enfin la gravitation au paradigme quantique.
Il faut rappeler que dans la théorie quantique tout fluctue en permanence, l’espace « vide » se remplit en permanence de particules virtuelles volatiles or la gravitation décrite par la théorie de la relativité générale d’Einstein nous dit qu’une concentration de matière ou d’énergie induit une courbure de l’espace-temps, cette courbure déviant la trajectoire des particules…
Le rapport à la peinture est étonnant puisqu’elle ramène la réalité à deux dimensions de l’espace, au monde plat non encore déformé par la gravité... Le peintre sait que tout l’intérêt de son art réside justement dans l’absence de la troisième dimension, c’est cette carence volontaire dans la représentation qui en fait une démarche transcendante, qui le met intuitivement en relation avec le principe insondable qui gouverne l’univers et la vie.
22 janvier 2006
Notre tête n’est pas plus grande qu’un ballon de football, et notre matière grise pèse à peine plus d’un kilo… Est-il vraiment étonnant que nous ne puissions comprendre l’univers, d’où il vient, où il va, quelles sont ses limites et comment il organise sa matière pour la rendre vivante et consciente ? Avons-nous une chance de résoudre ces problèmes un jour ?
Pour faire une comparaison signifiante on posera d’abord comme hypothèse que la quantité de matière grise d’un organisme vivant détermine son degré de conscience et d’aptitude à comprendre – ce qui n’est pas vérifié…
Dans ce cas, pourrait-on concevoir par exemple que les fourmis rousses des bois qui sont deux mille fois plus petites que nous (environ) et qui ont un cerveau ne pesant pas plus de quelques dixièmes de gramme, puissent être en mesure de comprendre un jour qu’elles vivent sur une planète ronde tournant autour du soleil ?
Et de se demander dans la foulée quelles seraient leurs chances d’y parvenir ? Pratiquement nulles sans doute…
Deux solutions se dégagent cependant. La première, la plus aléatoire, serait qu’une capacité de matière grise supérieure prenne la peine de se mettre à leur niveau, mesure leur possibilité de compréhension, trouve les moyens de communiquer pour leur transmettre son savoir. Cette éventualité apparaît improbable… puisque cette capacité supérieure (l’être humain au regard de la fourmi) n’y verrait pas d’intérêt ou n’y parviendrait pas malgré sa supériorité (voir notre inaptitude à comprendre le langage animal…).
La seconde solution serait que les fourmis cherchent à évoluer par elles-mêmes sans aide extérieure. Elles n’auraient d’autres choix que d’organiser la plus grande synergie possible des minuscules cerveaux des membres de l’espèce pour faire progresser au mieux le niveau de son savoir. Mais la progression ne serait sans doute significative que si elles parvenaient à créer soit une intelligence artificielle des milliers de fois supérieure à leur intelligence naturelle - capable de répertorier quantité de données mais aussi de percevoir par elle-même (sans qu’on le lui dise) et de conjecturer, soit de trouver un solution génétique afin d’augmenter la taille du cerveau de leur espèce jusqu’à ce qu’il atteigne des dimensions comparables au nôtre… ce qui leur permettrait d’apprendre un jour que la terre est ronde et qu’elle tourne autour du soleil…
Les OGM seraient-ils l'avenir l'Homme ?
20 janvier 2006
François Busnel dans son éditorial du magazine Lire, décembre 2005 / janvier 2006 intitulé Eloge de l’éclectisme me console de ma « dispersion » avérée qui quelques fois m’inquiète… « S'éparpiller, comme ils disent, c'est en réalité s'ouvrir au monde. Unique moyen de se réaliser: poursuivre ses rêves et les rattraper. On risque, évidemment, quelques sérieuses embardées. Mais renoncer à l'éparpillement, c'est se résigner, se rétrécir, se métamorphoser en accablé, c'est-à-dire se fâcher avec ses sentiments. Il faut lâcher la bride à la curiosité, c'est la seule façon de ne pas désespérer. Heureusement, il existe encore quelques irréductibles… »
16 janvier 2006
L’anthropologue Jeremy Narby était l’invité de l’émission Noms de dieux d’Edmond Blattchen, hier soir sur la RTB2. Jeremy Narby se distingue de la plupart des anthropologues par son expérience de terrain, il a en effet vécu dans une dizaine de tribus en Amazonie. Il met en corrélation les connaissances actuelles de la biologie moléculaire et le savoir des chamanes. Il s’est fait connaître il y a dix ans par son livre Le Serpent Cosmique, l'ADN et les origines du savoir (Georg éditions, Genève, 1995). Il vient de publier Intelligence dans la nature en quête du savoir (Buchet-Chastel, Paris, 2005).
Il a constaté que les indiens d’Amazonie en savent plus sur la nature de manière intuitive que la communauté scientifique et pharmaceutique internationale. La source principale de leur savoir en dehors de l’expérience transmise (de génération en génération depuis des millénaires) est un hallucinogène appelé ayahuasca qui révèle notamment les propriétés des plantes (L’ayahuasca donne accès à des images sonores tridimensionnelles, ultra colorées et capables de défiler à une vitesse ahurissante; ces images sonores semblent contenir de l'information biomoléculaire et curative, entre autres, et elles sont essentiellement interactives. Le travail du chamane consiste à interagir avec ces images de façon à en ramener de l'information utile et vérifiable dans la réalité quotidienne. Cette interaction s'articule autour de la voix, du son, du chant -- et de la mémoire, avec le chant, encore une fois, comme support mnémonique).
Les chamanes disent que l’intelligence est partout dans la nature et qu’il n’est pas besoin de cerveau : des amibes peuvent résoudre des labyrinthes, des plantes parasites peuvent juger du contenu nutritionnel de leurs victimes, l’abeille peut faire usage de concepts abstraits… Mais les biologistes moléculaires ne voient pas les choses de cette manière. Jeremy Narby estime cependant qu’une intelligence moléculaire existe bel et bien et qu’elle se manifeste par l’étrange « programme de fabrication » contenu dans l'ADN. Il dit ne pouvoir considérer l’ADN comme un produit chimique inerte, comme une simple molécule… à l’image des scientifiques occidentaux alors qu’il a le pouvoir d’autoduplication.
Il dénonce l'athéisme matérialiste qui règne dans les laboratoires et qui s’apparente à une religion nouvelle - bornée, intolérante et zélée.
Le chamanisme serait une exploration de la conscience par sa modification au moyen d’hallucinogènes. Les chamanes qui en ont l’expérience sont des savants de la conscience. La science officielle, du moins celle qui est publiée dans Nature, Pour la Science ou La Recherche estime ne rien avoir à apprendre d'un dialogue avec des Indiens vivant pieds nus dans la forêt et consommant des « drogues ». Il y aurait donc une sorte de racisme épistémologique qui fait que les voies de connaissance établies par d'autres cultures sont ignorées.
Néanmoins le savoir des Indiens d’Amazonie n’est pas perdu pour tout le monde puisque des multinationales pharmaceutiques l’exploitent sans rien leur retourner.
Ces peuples sont confrontés aujourd’hui non seulement à un combat pour leurs droits fonciers mais aussi pour la propriété intellectuelle.
Jeremy Narby se réclame d’une anthropologie interprétative. Il érige en principe le non-respect systématique des barrières entre les disciplines car la réalité elle-même forme un tout.
Il propose une nouvelle voie d’investigation, la science ne pouvant être selon lui la seule source fiable de connaissances de la Nature et de son « intelligence ».
D’après Noms de Dieux et les propos recueillis par Neda Benkirane pour Le Courrier Nord-Sud (Archipress).