Le Théâtre de l’Art, pièce en trois actes, 5F/3H (ou 3F/2H), durée 1 heure 40 minutes.Commentaires personnels sur Le Théâtre de l’art. J’ai commencé à écrire cette pièce alors que je suivais des cours d’art dramatique à l’Académie Gretry. Le professeur nous donnait à jouer des scènes de différents auteurs (Guitry, Camus, Sartre, Genet…) lorsqu’il me vint l’idée que je pourrais peut-être moi-même écrire une scène puisque l’écriture était pour moi un exercice quasi quotidien dans d’autres registres (journal, poésie, textes sur l’art…). Je l’écrivis naturellement sur un sujet que je connaissais bien celui de la peinture, des galeries et du marché de l’art. J’arrivai donc un jour au cours avec une scène que j’avais écrite en quelques soirées, j’en fis la lecture au professeur qui accepta de suite qu’on la joua. J’allais bien sûr y tenir un rôle, celui du galeriste. Ma scène au même titre que celles des autres auteurs précités fut jouée devant le jury de fin de semestre. Je m’aperçus à la réaction du public qui avait librement accès à la salle en cette occasion et à celle des professionnels du théâtre qui composaient le jury que ma scène n’avait rien à envier aux autres… au contraire. Je fus donc fortement encouragé à en écrire d’autres pour en arriver, au bout de deux années, à boucler une pièce complète en trois actes, chaque scène étant jouée au fur et à mesure de leur conception. Cette expérience fut très stimulante et enrichissante sur le plan de l’écriture théâtrale puisqu’elle me permit de jouer des scènes aussitôt après les avoir écrites et donc de roder moi-même mes textes. Je me trouvais amené en outre à les mettre en scène et à créer le décor et les accessoires. Le Théâtre de l’art reste pour moi une pièce d’initiation à la création théâtrale (de l’écriture à la représentation). Elle a peut-être le désavantage de ne pas avoir été planifiée puisqu’elle fût improvisée scène après scène mais elle gagne sans doute en spontanéité et en imprévu. Je profitai de l’avantage de répéter régulièrement ces scènes (en rapport avec le milieu de l’art) pour en jouer des extraits avec mes collègues aspirants comédiens (voir « Album personnel ») dans les galeries à l’occasion de mes vernissages (voir « Parcours artistique »). Elle a été représentée deux fois dans son entièreté.Résumé du Théâtre de l’art : La pièce s’ouvre sur une démonstration de la légèreté, de la fatuité et de la cupidité que l’on rencontre souvent dans le milieu de l’art et en particulier de ses marchands. Après un vernissage, un galeriste renommé invite la conservatrice d’un musée d'art contemporain dans son appartement pour lui faire découvrir une oeuvre "cybernétique" - un casque virtuel - qui les entraîne dans des situations cocasses et donne des idées de stratégie promotionnelle inédite à la conservatrice... On retrouve ensuite le galeriste occupé à monter une exposition dans sa galerie. Il est confronté aux visites successives de quatre personnages étranges qui en viennent à le faire douter de la valeur des œuvres qu’il défend et finalement à métamorphoser sa conception de l’art. Le dernier acte plonge le spectateur dans l’atelier obscur d’un artiste illuminé en train d’élaborer une œuvre particulière : une «performance» dont le but est la manipulation d’opinion, celle des galeristes et celle du public. On apprend que tous les comédiens de la pièce sont des acteurs de cette performance. Le Théâtre de l’art est une comédie satirique qui caricature jusqu’à l’absurde le milieu de l’art en stigmatisant au passage beaucoup d’autres domaines.Extraits du Théâtre de l’art :Acte II, scène 1.L’AGENT ARTISTIQUE. C’est une toile vierge, ça ?LE GALERISTE. C’est un carré blanc.L’AGENT ARTISTIQ
UE. Ah, je vois, merci. J’ai tout de même quelques notions de géométrie !LE GALERISTE. Oui, mais celui-ci est chargé de significations.L’AGENT ARTISTIQUE. Je vois. Vous préférez les impostures du Conceptuel, qui n’ont pour objet qu’une masturbation intellectuelle.Pour moi... la peinture doit toucher la sensibilité avant de s’adresser à la raison. Elle doit séduire le spectateur par l’harmonie de ses formes, de ses couleurs, de ses matières avant de nous faire réfléchir, s’il y a lieu.LE GALERISTE. Mais qui parle de peinture, je ne prétends pas diriger une galerie de peinture, mais une galerie d’art... et l’art peut être celui des idées.L’AGENT ARTISTIQUE. Mais si vous faites fi de l’esthétique le premier objet tombant sous la main, peut être sujet à digressions.LE GALERISTE. Exactement, encore faut-il, le mettre en scène, le mettre en valeur et c’est mon rôle.L’AGENT ARTISTIQUE. En valeurs... c’est le terme le plus approprié.Tiens, si j’avais su, je vous aurais amené ma planche à repasser. J’en aurais dit, par exemple... que cette sculpture métallique est la vulgarisation du processus d’apparition de la vie sur terre, qu’elle porte à bout de bras une langue de terre vierge sur laquelle glisse, en va-et-vient continus, une météorite brûlante pour faire jaillir les étincelles décisives.LE GALERISTE. Très fort ! Vous passez à côté d’une vocation. (Confidentiel et près d’elle.) Comprenez-moi, dans ce métier nous devons tenir compte des tendances du marché.Acte II, scène 2.LE GALERISTE. Sa peinture est décorative, purement commerciale. Son agent artistique est passé la semaine dernière...LA VISITEUSE. Mais si vous la ressentez comme telle, sa peinture est un vrai chef d’œuvre... puisque notre société est précisément décorative et commerciale.Un artiste authentique travaille en symbiose avec son milieu, son époque, pour en relever son caractère. (Le galeriste se glisse sous son bureau.)Vous voyez que vous vous libérez.LE GALERISTE. Non, c’est une manière de protestation... et puis je me mets à l’abri.LA VISITEUSE (elle défile à la façon d’un mannequin). Pour Mégalitz, l’art n’est pas systématique et hasardeux, il doit rendre à la raison par sa beauté d’expression.Vous aurez remarqué que ma démarche, d’inspiration naturelle, est parfaitement dirigée, suivant des principes de séduction, par ailleurs animateurs de la mécanique du marché.Je souligne, je parodie, je symbolise une attitude commune, un mode d’existence, un idéal artificieux qui fait vendre et acheter.LE GALERISTE. La légèreté !LA VISITEUSE. Exactement !LE GALERISTE. Je l’aurais parié !LA VISITEUSE. Cette représentation est donc une œuvre artistique achevée... susceptible de bonifier l’humain, de nous bonifier ! Et au surplus, elle est gratuite ! Elle est un épanouissement pour son créateur... et une révélation pour son spectateur... grâce à quoi nous pouvons l’un et l’autre, nous reconsidérer !LE GALERISTE. Vous êtes envoûtante !LA VISITEUSE (elle le tire du dessous du bureau). Venez monsieur le galeriste, laissez là votre fardeau lucratif. Nous sommes tous des artistes et c’est parce que nous l’ignorons que le monde tourne mal.Venez avec moi, voyez comme tout à coup, nous allons bien ensemble !LE GALERISTE. Vous croyez ?LA VISITEUSE. J’en suis sûre ! C’est un grand moment ! Nous nous transformons vous et moi, ici et maintenant, sous l’inspiration d’une œuvre d’art. Nous sommes la preuve vivante que l’art est utile, autrement qu’à rêver.Nous sommes redevenus des gens simples en mesure de reconstruire le monde.L’art n’est pas la vie... il change la vie !